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40 LE MENTEUR

montrent vraimenttrop vertueux pour être bien comiques. Chez LopedeVega, don Juan deAguilar,quidoitaussi laliberté à son ami don Luis, veut lui faire le même sacrifice; mais il a quitté ia maison de celle qu'il aime ; don Luis et Leonarda l'ont suivi et rejoint, et si don Luis ordonne à don Juan de rentrer dans sa « prison », c'est qu'il entend par là moins le cœur que la maison de Leonarda, d'oîi s'est enfui don Juan.

Tout finit, comme d'ordinaire, par un mariage, sans qu'on puisse savoir si le menteur est définitivement corrigé, et Cli- lon renvoie le parterre satisfait :

Ceux qui sont las debout se peuvent aller seoir; Je vous donne en passant cet avis, et bonsoir !

En imitant l'auteur espagnol. Corneille n'a pu lui emprun- ter la liberté de ses allures. D'abord, en s'obstinant à donner une « suite » au Menteur, il avait d'avance enchaîné sa liberté; puis, la règle tyrannique des trois unités, tout récem- ment proclamée, sinon inventée, s'imposait à lui. A la vérité, il n'observe point l'unité de lieu dans toute sa rigueur : le même acte nous fait passer de la prison de Dorante à l'appar- tement de Mélisse. Mais l'unité de temps est respectée, non sans invraisemblance ; car on comprend mal que Dorante puisse traverser en un jour tant d'aventures diverses, qu'il soit emprisonné, délivré, aimé, épousé dans les vingt-quatre heures réglementaires.

Voltaire, si sévère d'ordinaire pour Corneille, écrit pour- tant : a La Suite du Menteur ne réussit point. Serait-il permis de dire qu'avec quelques changements elle ferait plus d'effet au théâtre que le Menteur même? » C'est exagérer peut-être: car c'est au souvenir toujours aimable du Menteur que la Suite doit son charme le plus piquant. Elle a de charmantes parties ; mais l'ensemble, malgré tout, demeure équivoque, et la pein- ture nouvelle du caractère de Dorante nous étonne plus qu'elle ne nous satisfait.

De nos jours, Andrieux a pris au sérieux le jugement de Voltaire, et, par deux fois, a tenté de remettre à la scène /a Sutie du Menteur, d'abord réduite à quatre actes, pour le théâtre Lou- vois, ofi elle réussit (26 germinal an XI, 1803), puis remaniée, rétablie dans ses cinq actes, et représentée en 1810 sur le Théâtre de l'Impératrice, devenu depuis l'Odéon. Sous cette dernière forme, elle s'intitulait : les Descendants du Menteur. Dans les trois premiers actes, Andrieux imitait assez fidèle- ment Corneille. Mais, à partir du quatrième. Dorante, sorti de la prison, retourne à ses anciens mensonges. C'était essayer ia fusion impossible du Menteur et de la Suite du Menteur, deux

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