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INTRODUCTION. 11

avait lu, non sans profit, Hippolyte ou le Garçon insen- sible (1646). Le trait fameux :

C'est toi qui l'as nommé !

vient d'Euripide à Racine en passant par Gilbert, et ce n'e^x pas, il le semble, le seul emprunt que l'auteur de Phèdre lui ait fait. « Il trouve bien au gite le gibier, dit Ménage de Gilbert, mais ce n'est pas pour lui qu'il le Fait partir. » Ctiapelain, que la malheureuse fécondité de son ami n'effraie pas, et qui ne trouve guère h lui reprocher que son orgueil, vante avec com- plaisance cet « e-prit délicat, duquel on a des odes, de petits poèmes et des pièces de tnéàtre, pleines de bons vers ». Par malheur, sur la liste des pensions, à la tète de laquelle il s'in-crivait lui-môrae sans fausse modestie, il oublia de mettre Gilbert. En vain celui-ci adressai t une ode à Mazarin; en vain, plus lard, dan" l'épîire dedicatoire de ses œuvre-, il suppliait le roi de lui permettre d'écrire son histoire; toute sa vie il fut travaillé par la maladie de Panurije, par la maladie des gens de lettres, a faute d'argent ». Il fut trop heureux de trouver un refuge pour ses oernieres années chez Barthélémy Herwarth,^ près de Lambert, le musicien à la mode, et de Mignard, le peintre fameux, dans l'appartement peut-être oii le fils de Bar- thélémy recueillit plus tard La Fontaine. C'est là qu'il mourut obscurément vers 4675 ou 168U; caria date de sa mort est aussi incertaine que celle de sa naissance.

Et voilà le grave personnage, voilà l'homme d'État qu'on vou- drait opposer à Corneille! Car on fait un argument en sa faveur des fonctions officielles qu'il exerça. En 1644, lorsqu'il écrivit sa Rodogunp, n'était-il pas résident de la reine Christine à Paris? Voltaire se trompe : en -1644, Gilbert n'est encore, à son grand regret, que secrétaire de la duchesse de Rolian. Plus tard, il devint secrétaire des commandements de Christine, qui l'appelait « mon beau génie », et se faisait accompagner à Rome par ce protestant; niais c'est seulement en -1657, après l'abdication de la reine de Suède, qu'il devint son résident en France. La posi- tion n'avait rien de brillant, ce semble, puisqu'il la quitta si psuvre. Voltaire qui, sur la question de plagiat, lient la balance égale entre les auteurs des deux Rodogune, écrit pourtant celte

1. Voyei sur les Herwartli un curieux mémoire de M. Dcpping : Un Ban- quier prolestant en France au XV !!<• siècle (ISigi.

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