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20 POMPÉE

Achève donc, tyran, assouvis ton envie :

Tu lui laisses e'ncor la moitié de sa vie.

Mon seigneur, mou Pompée est encore en mon cœur;

Il te faut l'arracher, ou tu n'es pas vainqueur.

Sexle avait dit déjà, dans une apostrophe d'un goût dou- teux, au roi d'Egypte :

Tu règnes à bon droit sur les monstres d'Afrique, Moustre le plus cruel que la terre ait porté.

L'indignation toutefois ne l'empêche point de songer à son salut; il donne l'ordre du départ : « Désancrons. mes amis! » et gagne la haute mer. Ce n'est point là un dénouement; il était contenu pourtant dans ces clairvoyantes réflexions de Photin, qu'irrite l'injustice du « petit tyran », maître de l'Egypte :

Tu fais tort à César, quand tu penses lui plaire, Tu trahis par ce coup sa clémence ordinaire. Ta lâcheté déroho en ce triste niomeut A sa grande vertu son plus bel ornement. Mais apprends ton destin d'un esprit prophétique : Tu sentiras bientôt son pouvoir tyrannique, Alors qu'ayant appris de toi la cruauté, Ta mort sera le prix de ta témérité.

Ayant choisi pour sujet la mort de Pompée, Chaulrner a cru habile de réserver cette mort pour son cinquième acte ; il n'a réussi qu'à en affaiblir l'eflfet, puisqu'il en faut acheter le récit par la lecture de trois actes absolument vides, et puis- qu'on nous laisse ignorer ce qui précisément nous intéresse le plus, les résultats de cette mort, car on ne sait bien qu'une chose, c'est que la femme et le fils de Pompée se dérobent à la mort par la fuite, et que la romanesque Léonie les accom- pagne. C'est assez pour Léonie, ce n'est pas assez pour nous. Reste la scène de la délibération : si inférieure qu'elle soit à la scène analogue de Corneille, il esl probable que Corneille l'a connue, car, chez Lucain, la délibération n'est qu'un mo- nologue; elle est déjà, dans la pièce de Chaulrner, un dialo- gue assez dramatique. Est-ce à dire que Chaulrner soit un pseudonyme de Corneille? Qui le croira? Dans la scène même de la délibération, le cadre seul subsiste : noms des person- nages, caractères, langage, tout est transformé. Pour le reste de l'intrigue, la question ne se pose même pas; ce serait faire injure à Corneille que lui infliger cette comparaison.

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