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26 IlODOGUNE.

gravure à l'eau-forie, dessinée et gravée de sa propre main. Par cette distraction, du moins innocente, elle charmait les loisirs que lui laissait son rôle politique. Il lui sera beaucoup pardonné parce qu'elle a beaiicoi;p aimé Corneille. Tirée à vingt exem plaires seulement, cette édition de 1760 est devenue, on le com- prend, une curiosité presque introuvable.

Au reste, il ^emble que le nom de Rodogime se présentât tout naturellem«U à l'es|>rit, lorsqu'il s'agissait d'honorer la mé- moire du grand Goraeille. Gftte même année^ une représenta- tion extryordinaire de liodogune fut donnée par les comédiens du roi an profit d'un neveu du grand Corneille^, Jean-François Corneille, celui-là même dont la fille devait peu après être recueillie par Voltaire. La proposition était venue, parait-il, de Titon du Tillet; une délibération tumultueuse des comédiens s'engagea aussitôt et menaça de ne jamais aboutir, car chacun tenait à jo ler son rôle dans cette solennité littéraire. C'est Rodo- gune qui fut enfin choisie, et les comédiens en avertirent le public par l'annonce suivante :

a Les comédiens ordinaires du roi, pénétrés ie respect pour la mémoire du grand Corneille, ont cru ne pouvoir en donner une preuve plus sensible qu'en accordant à son neveu, seul rejeton de la famille de ce grand homme, une représentation. Ils donneront lundi procliain, 10 mars HôO, à son profit, Rodo- gime, tragédie de Pierre Corneille. »

Là ne se borna pas leur générosité : non contents de prendre tous les frais du spectacle à leur charge, ils firent accepter à Jean-François Corneille une entrée gratuite permanente à là Comédie Française. L'affluence fut énorme; on paya les places fort au-dessus de leur valeur, et la recette atteignit cinq mille francs.

C'est pourtant au xvm'= siècle que la gloire de Corneille reçut les plus rudes atteintes. On y^était mal préparé peut-être à com- prendre la grandeur hautaine de certains héros cornéliens. Puis, la langue s'était raffinée: pins claire, elle avait moins d'énergie. Chose curieuse I ce sont les novateurs qui donnèrent le signal des hostilités contre l'auteur de Rodogune. Philosophes qu'au- cune hardiesse n'effrayait, ils avaient les yeux tournés vers l'avenir; écrivains polis et délicats, ils regardaient, non sans

��1. Année littéraire, année \~60, lettjro du 20 mars; t. II, p. 198-216. - Sabalior : Dictionnaire de lilltiature; a:ais Sabulier se trompe en plai;»». cetU solefiiiité à la dalo de llûO-

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