Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/383

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

INTRODUCTION. 37

intéresse peu. Les imprécations de Camille n'ont plus de sens, et le crime d'Horace plus de motif; ce n'est plus qu'une belle imitation de Tile-Live, de même que Cinna n'est plus qu'une belle paraphrase de Sénèque, si l'on ôte tout prétexte aux irré- solutions de l'amant d'Emilie et à la trahison de Maxime. Pau- line n'a plus rien à sacrifier, ni Polyeucle rien à craindre; le martyre de celui-ci n'en sera pas moins cdifiint, mais à coup sur il sera moins dramalique. Que serait Rodoi/uiie, sans l'amour des deux princes? Du mcrment que Corneille avait conçu la nécessité de placer auprès de Gléopàtre des fils animés de sen- timents tout autres que les siens, n'était-il pas conduit à les supposer amoureux de cette Rodogune, dont le rôle est si effacé dans l'histoire? Cette passion une fois admise, le reste suit na- turellement, et l'amicale rivalité des deux frères, et la fureur toujours croissante de Cléopàtre, et la mort de Séleucus, et le dénouement enfin : carie nœud du drame est précisément dans cette double passion, et le dénouement donne Rodogune à An- tioclius. Encore une fois, cet amour n'est pas le fond de l'action, mais c'en est le ressort essentiel. Lessing, qui le repousse et s'entienl à l'histoire, eût composé une tragédie fort méthodique, fort raisonnable de tout point, mais aussi fort peu vivante. Cet admirable cinquième acte, dont il a ses raisons pour no point trop parler, il ne l'eût pas même conçu.

11 est vrai que le cinquième acte est préparé, nous dit-on, par deux propositions aussi odieuses qu'invraisemblables. C'est sur ce point que porte l'effort de la critique, même la plus bien- veillante : d'excellents juges, tels que M. Mézières *, s'associent à Lessing pour cou'lamner le second acte et le troisième tout en- tiers. Bien avant eux, La Harpe, fidèle écho de Voltaire, avait afBrmé qu'il était impossible d'accorder avec le bon sens cette assertion : « Il est dans l'ordre des choses vraisemblables que, d'un côté, une mère propose à ses deux fils, à deux princes re- connaissants, sensibles et vertueux, d'assassiner leur maîtresse; et que, d'autre côté, dans le même joir, cette même maîtresse, qui n'est point représentée comme une femme atroce, propose à deux jeunes princes dont elle connaît la vertu, d'assassiner leur mère. » On ne saurait plus nettement poser la question ; nous ne l'éluderons pas.

La condaranation de ces deux actes serait la condamiiLtion

��1. Introduction à la Dramaturgie de Hambourg, trad. Croasié.

%

�� �