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EXAMEN DE RODOGUNE. 69

Ce n'est pas que je me flatte assez pour présumer qu'elle soit sans taches. On a fait tant d'objections cont'e la nnrration rie Laonice, au premier acte, qu'il est nijlaiséde ne rlonnr pas les mains à quelques-unes. Je ne la tiens pas toutefois si inutile qu'on l'a dit. Il est hors de doute queCléopàtre, dans le second, ferait connaître beaucoup de choses par sa confidence avec cette Laonice, et par le récit qu'elle en a fait à ses deux fils, pour leur remettre devant les yeux combien ils lui ont d'obligation, mais ces deux scènes demeureraient assez obscures, si cotte narration ne les avait précédées; et du moins les justes deQ;m- ces de Rodogune à la fin du premier acte, et la peinture que (>leopàire fait d'elle-même dans son monolosue qui ouvre le second, n'auraient pu se faire entendre sans ce secours.

J'avoue qu'elle est sans artifice, et qu'on la fait de sang- froid à un personnage protatique^, qui se pourrait toutefois justi- fier par les deux exemples de Térence que j'ai cités sur ce sujet au premier discours^. Timagène. qui l'écoute, n'f^st introluii que pour l'érouter, bien que je l'emploie au cinquième à faire celle de la mnrt de Seleucu-, qui se pouvait faire par un autre. Il l'écoute sans y avoir aucun intérêt notable, et par simple cu- riosité d'apprendre ce qu'il pouvait avoir su déjà en la cour d'Egypte, ou il était en assez bonne posture, étant gouverneur des neveux du rot, pour entendre les nouvelles assurées de tout ce qui se passait dans la Syrie, qui en est voisine. D'ail- leurs, ce qui ne peut recevoir d'excuse, c'est que, comme il y avait déjà quelque temps qu'il était de retour avec les prinres, il n'y a pas d'apparence qu'il aye attendu ce grand jour de céré- monie pour s'informer de sa sœur comment se sont passés tous ces troubles, qu'il dit ne savoir que confusément. Pollux, dans Médée, n'est qu'un personnage protatique qui écoute sans inté- rètcommelui; mais sa surprise de voir Jason à Corinihe, où il vient d'arriver, et son séjour en Asie, que la mer en sépyre, lui donnent juste sujet d'ignorer ce qu'il en apprend. La narration ne laisse pa-; de demeurer froide comme celle-ci, parce qu'il ne s'est encore rien pa>sé dans la pièce qui excite la curiosité de l'auditeur, ni qui lui puisse donner quelque émotion en l'écou- tant; mais si vous voulez réfléchir sur celle de (^uriace dans l'Horace, vous trouverez qu'elle fait tput un autre effet. Camille, qui l'écoute, a intérêt, i omme lui, à sa.oir comment s'est-faite une paix dont dépend leur mariage; et l'auditeur, que Sabine et elle n'ont entretenu que de leurs malheurs et des appréhen- sions d'uue bataille qui se va donner entre deux partis, où elles voient leurs frères dans l'un et leur amour dans l'autre,

I Le mot de protatique vient de protnse, qui signifie exposition; un per- sonnage protatique est donc celui qui ne paraît qu'au début de la pièce, pouï faire ou entendre l'expositi')n.

2. Dincours du poème dramatique.

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