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ACTE I, SCÈNE HI. 85

Pour le trône cédé cédez-moi Rodogune,

Et je n'envierai point votre haute fortune.

Ainsi notre destin n'aura rien de honteux, 12o

Ainsi notre bonheur n'aura rien de douteux.

Et nous mépriserons ce faible droit d'aînesse,

Vous, satisfait du trône, et moi de la prince=ie.

ANTIOCHUS.

Hélas 1

SÉLEUCUS.

Recevez-vous l'oÊFre avec déplaisir?

ANTIOCHUS.

Pouvez-vous nommer offre une ardeur de choisir, 430

Qui, de la même main qui me cède un empiie, M'arrache un bien plus grand, et le seul où j'aspire?

SÉLEUCUS.

Rodogune?

ANTIOCHUS.

Elle-même; ils en sont les témoins.

SÉ LEUCUS .

Quoil l'estimez-vous tant?

ANTIOCHUS.

Quoi I l'estimez-vous moins?

SÉLEUCUS.

Elle vaut biei un trône, il faut que je le die. 435

ANTIOCHUS.

Elle vaut ii mes yeux tout ce qu'en a l'Asie.

SÉLE ucus Vous l'aimez donc, mon frère ?

ANTIOCHUS.

Et vous l'aimez aussi :

��130. Var. « Vous l'appelez une offre : en effet, c'est choisir,

Et cette même main qui me cède un empire... » (1647-56).

132. « Ces quatre ver» consécutifs ont la même consonnance. C'est un dé- faut. » (M. Gerusez.)

133. L'intérêt se concentre toUement sur les deux princes qu'on a un peu oublie Timagène et Laonice, muets d'ailleurs pendant toute cette scène.

135. Die, ancien subjonctif pour dise; on le trouve jusque dans la Bérénice (V, vi) etVJphiyénie de Racine. Vaugelas ne proscrit pas cette forme, que Thomas Corneille défend d'employer en prose, et que Pierre Corneille aime, au contraire comme Molière et La Fontaine : a Cet archaïsme, dit M. Littré, ainsi auto- risé, peut encore être conservé dans la poésie. »

136. Vnr. « Elle vaut à mes yeux tous les trônes d'Asie » (1647-56).

137. « Plusieurs critiques dit Voltaire (qui ne les nomme pas), demandent comment deux frères si uius, et qui n'ont tous deux qu'un même sentiment, ont pu se cacher une passion dont l'aveu involuntairo échappe à tous ceux qui l'éprouvent. Comment ne se sont-ils pas au moins soupçonnés l'un l'autre d'être rivaux ?» Il ne faut pas oublier qu'ils sont inexpérimentés, timides, habitués à se diifier d'p'ix-mêmes, contraints peut-être de dissimuler leurs sentiments en face d'une mère telle que Cléopàtre, qui les observe. Un moment doit venir pour-

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