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162 RODOGUNE.

ANTIOCHUS.

Est-ce encor le Hoi que vous plaignez? Se soupir ne va-t-il que vers l'ombre d'un père?

RODOGUNE .

Allez, ou pour le moins rappelez votre frère : 1200

Le combat pour mon âme était moins dangereux

Lorsque je vous avais à combattre tous deux :

Vous êtes plus fort seul que vous n'étiez ensemble;

Je vous bravais tantôt, et maintenant je tremble.

J'aime; n'abusez pas. Prince, de mon secret : 1205

Au milieu de ma haine il m'échappe à regret;

Mais enfin il m'échappe, et cette retenue

Ne peut plus soutenir l'efTort de votre vue.

Oui, j'aime un de vous deux malgré ce grand courroux,

Et ce dernier soupir dit assez que c'est vous. <210

Un rigoureux devoir à cet amour s'oppose : Ne m'en accusez point, vous en êtes la cause; Vous l'avez fait renaître en me pressant d'un choix Qui rompt de vos trailés les favorables lois. D'un père mort pour moi voyez le sort étrange : 1215

��tremble d'aimer forment ici une pastorale. Quel contraste! La proposition d'assassiner une mère est d'une furie; et cet hélas t et ce soupir sont d'une bergère. » (Voltaire.) Voyez à ce sujet l'Introduction.

Var. » Hélas! — Sont-ce les morts ou nous que vous plaignez T Soupirez- vous pour eux ou pour notre misère? » (1647-56).

1206. « Remarquez qu'une femme qui dit deux fois tnon soupir m'échappe est une femme à qui rien n'échappe, et qui met un art grossier dans sa con- duite. » (Voltaire.) Il faudrait pourtant s'entendre : Rodogune est-elle, ou une criminelle, ou une bergère, ou une comédienne, ou tout cela ensemble, ce qui parait difficile ? Quand Rodogune semble pencher vers le crime, Voltaire s'in- digne; quand elle renonce au crime, il s'étonne et rit. Dans le premier cas, il veut absolument croire à sa sincérité ; mais il refuse d'y croire dans le second. Est-il vraisemblable qu'ici, et ici seulement, elle joue la comédie? Son aveu est grave, et les conséquences en peuvent être funestes pour elle.

1208. « Ne peut plus soutenir l'effort de voire vue. quelle expression! Jamais le mot propre! Ce n'est pas là le vuUxis nimium lubricus adspici d'Horace. » (Voltaire.) Effort a, chez Corneille, un sens beaucoup plus étendu que ne le croît Voltaire « Cette tragédie, lit-on dans l'Examen d'Héraclius, a encore plus d'efifort d'invention que celle do Rodogune: » Mais les vers de Nicomède (l'575-6) sont plus significatifs :

Je le désavouerais, s'il n'était magaanime, S'il manquait à remplir l'tffort de mon estime.

dit Laodice de Nicomède.

1211. D'autres éditions donnent « à cette amour. »

1213. « Cela n'est pas français : ,on ne presse point d'u le chose. » (Vol- taire.) Molière a dit pourtant, dans l'Ecole des femmes :

Toute la courtoisie enfin dont je vous presse,

C'est que je puisse voir votre belle maîtresse. |IV, it.)

1215. Voltfire trouve itrange faible et mis là pour la rime; il serait plu* jaste de dire que le sea5 de ce mot t'est affaibl). « Corneille et Racine em»

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