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164 RODOGUNE.

Jusqu'à vouloir d'un crime être la récompense.

Rentrons donc sous les lois que m'impose la paix, 422{i

Puisque m'en affranciiir c'est vous perdre à jamais.

Prince, en votre faveur je ne puis davantage :

L'orgueil de ma naissance enfle encor mon courage,

Et, quelque grand pouvoir que l'amour ait sur moi,

Je n'oublierai jamais que je me dois un roi. 1230

Oui, malgré mon amour, j'attendrai d'une mère

Que le trône me donne ou vous ou votre frère.

Attendant son secret, vous aurez mes désirs.

Et s'il le fait régner, vous aurez mes soupirs

C'est tout ce qu'à mes feux ma gloire peut permettre, 4235

Et tout ce qu'à vos feux les miens osent promettre.

ANTIOCHUS.

Que voudrais-je de plusV son bonheur est le mien :

Rendez heureux ce frère, et je ne perdrai rien.

L'amitié le consent, si l'amour l'anpréiiende.

Je bénirai le ciel d'une perte si grande; t240

Et, quittant les douceurs de cet espoir flottant,

Je mourrai de douleur, mais je mourrai content.

RODOGUNE.

Et moi, si mon destin entre ses mains me livre. Pour un autre que vous s'il m'ordonne de vivre,

Mon amour Mais adieu : mon esprit se confond. <24i>

Prince, si votre flamme à la mienne répond,

��1228. Cet orgueil de la naissance, qui a'est déjà clairement manifesté dans la scène ni de l'acte III, est un des traits essentiels du caractère de Rodogune. — Enfler le courage revient à enfler le cœur; les deux formes sont fréquentes chez Corneille. Elle aussi, Cléopâtre vante

Cette haute vertu dont le ciel et le sang EnQent toujours les coeiu-s de ceux de notre rang.

[Pompée, I, Iil)

On sait que Nicole appelait la vanité « l'enflure du cœur i

1230. Cette fierté royale sied à Rodogune : ce qu'elle pense d'elle-même, les autres le pensent aussi, et les deux princes l'ont déclaré : « Sans incerti- tude, elle doit être reine » (I, m). Elle est prête à sacrifier à cet orgueil jus- qu'à son amour; c'est sa façon de comprendre le devoir; c'est en cela qu'elle fait consister sa « gloire ».

1239. On a déjà vu, aux v. 746 et 883, consentir pris activement. Remar- quez ce combat perpétuel de l'amour et de l'amitié dans l'âme des jeunes princes. Cet amour n'est donc pas si froid que le prétend Voltaire, puisqu'il est l'occasion de tols sacrifices.

1241. Flotlnhl, incertain; Corneille dit volontiers des « esprits flottants t [Ciil, V. 131 ; Cintia, v. 1015), des » souns flottants », des « vœux flottants » ( l'olynicte, lléraclius, Tile et Bérénice).

1242. « H est assurément impossible de mourir affligé et content. » (Vol- taire.) La poésie contemporaine, qui se nourrit d'antithèses, ne débavouerait pat culle-ci.

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