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que Corneille a imaginé cette explication tardive. Lui-même il ny croyait pas, car c'est à lui-même que nous en appelons, et c'est iui-mciue qui, à l'instant précis où il s'y réfère, se cliarije de se démentii-. « 11 y a quelque chose d'extraordinaire dans le titre de ce poème, qui porte le nom d'un bi'-ros qui n y parle point; mais il ne laisse pas d'en être en quelque sorte le principal acteur, puisque sa mort est la cause unique de tout ce qui s'y passe*. >> Ces deux explications ne s'excluent- elles pas Tune l'autre ? Si Pompée est l'acteur principal de la tragédie, n'est-il pas évident que l'exposition des causes et des effets de sa mort en formera l'action essentielle ? Qu'à côté de cette action essentielle une action secondaire se développe, on l'admettra sans peine, pourvu qu'on admette aussi que l'importance de ces deux actions parallèles est fort inégale et que toutes deux, d'ailleurs, n'en forment qu'une au fond. Tout grand événement a deux faces sous lesquelles on peut l'envisager. Les intrigues de Ptoloraée et de Cléopâtre se peu- vent-elles comparer à la catastrophe dont le monde entier est ébranlé? Poser la question, c'est la résoudre : car, dans une analyse de Pompée, ces rivalités mesquines passeront inaperçues, et la pièce entière peut se résumer ainsi :

Acte I. — Le meurtre de Pompée est décidé par Ptolomée et ses ministres, malgré les eiforts de Cléopâtre.

Acte II. — Le meurtre de Pompée est accompli, raconté par Achorée à Cléopâtre, et déjà exploité par les assassins, qui s'en prévaudront près de César.

Acte III. — Le meurlre de Pompée, loin de réjouir César, l'indigne, et son indignation se fait sentir aux meurtriers, comme sa pitié à la veuve de Pompée, Cornélie.

Acte IV. — Le meurtre de Pompée n'ayant pas valu aux meurtriers les avantages qu'ils en attendaient, ils se retour- nent contre César, mais la veuve de Pompée découvre et ré- vèle leur complot.

Acte V. — Le meurtre de Pompée est vengé par la puni- tion des meurtriers, et la veuve de Pompée, libre enfin, peut méditer une autre et plus noble vengeance.

Ainsi, l'action n'est double qu'en apparence, elle est une en réalité. Voltaire se trompe quand il dit qu'au quatrième acte commence une pièce nouvelle, médiocrement intéressante, parce que César ne court aucun danger sérieux. C'est la même pièce qui se continue et s'achève; tout s'y tient : la mort de Pompée provoque la colère de Césai', la colère de César provoijue le complot que découvre Goruéiie, la décou-

1. Voyez plus loin l'Examen de Pompé$»

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