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ACTE I, SCÈNE I 69

Il n'eût ici trouvé que joie et que festins: ^ 95

Mais, puisqu'il est vaincu, qu'il s'en prenne aux destins.

J'en veux à sa disgrâce, et non à sa personne :

J'exécute à regret ce que le ciel ordonne; '

Et du même poignard pour César destiné

Je perce en soupirant son cœur infortuné. 100

Vous ne pouvez enfin qu'aux dépens de sa tête

Mettre à l'abri la vôtre, et parer la tempête.

Laissez nommer sa mort un injuste attentat :

La justice n'est pas une vertu d'Etat.

Le choix des actions ou mauvaises ou bonnes 105

Ne fait qu'anéantir la force des couronnes ;

Le droit des rois consiste à ne rien épargner :

99. Destiné pour s'employait au xvn" siècle aussi bien et plus même que destiné à. Corneille dit : u ce soir, destiné pourra cérémonie » (Rodogune, 1375), « ce prince destiné pour régner >> {Héraclius, 56), et la Fontaine :

Dans une ménagerie Be volatiles remplie Vivaient le ovgne «t "oison : Celui-là desliiié ])our les regards du maître,

Celui-ci pour son goût. {Fables, III. 12.)

En prose, cptte locution était aussi usitée, et l'on en trouve de nombreui exemples dans les sermons de Bourdaloue.

100. Chez Lucain, Photin fait les mêmes distinctions hypocrites entre la disgrâce et la personne de Pompée :

Hoc ferrum, quod fata Jubent proferre, paravi Non tibi, sed virto. Ferimn tua visrera, Ma'jne; Malueram soceri (VIII, 520-523.)

Avec raison, M. Delaître rappelle ici la réponse doucereuse de Tartufe :

Je lui pardonne tout; de rien je ne le blàme Et voudrais le .servir du meillnur de mon âme: Mais l'intérêt du ciel n'y saurait consenlir.

102. Voltaire est, ce nous semble, bien scrupuleux quand il écrit : « On ne pare point une tempête », car parer équivaut à éoiter, et. dans la langue mari- time, on dit fort bien parer un écueil, parer un grain. Au reste. Voltaire avait déjà fait une critique analogue à propos du v. 1104 de Rodogune :

L vous faudra parer leurs haines mutuelles. \

Voyez, dans notre édition de Rodogune, la note sur ce vers. 104. Lamoignon disait au contraire que la justice est la bienfaisance des roi» {Mémoires de Besenval) et Kotrou faisait dire avant lui au vieux Venceslas :

La justice est aux rois la reine des vertus. (Venceslas, V, 9.)

106. Sceptrorum vis tota périt, si jiendere justa

Incipit evertitque arces respectus honenti. (Lucain, VIII. 489-90.) Le trône a d'autres droits que ceux de la nature. (Œdipe. III, 2.)

107. « Cette maxime horrible n'est point du tout convenable ici : il ne s'agit point du droit des rois contre d'autres rois, ni avec leurs sujets; il ne s'agit que de mériter la faveur de César. Ptolomée est lui-même une espèce de sujet, un vassal, à qui on propose de flatter son maître par unor action infâme. Ainsi la dernière partie du discours de Photin pèche contre la raison autant que contre la morale... Narcisse, dans Britannicus, ne dit point à Néron : Commeltcz un crime, c'est à vous qu'il appartient d'en faire. Il ne débite aucune de ces

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