Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1» POMPÉE

PTOLOMÉE.

Ma sœur, je dois garder l'honneur du diadème.

CLÉOPATRE.

Si VOUS en portez un, ne vous en souvenez

Que pour baiser la main de qui vous le tenez, 24b

Que pour en faire hommage aux pieds d'un si grand homme.

PTOLOMÉE.

Au sortir de Pharsale est-ce ainsi qu'on le nomme?

CLÉOPATEE.

Fût-il dans son malheur de tous abandonné, Il est toujours Pompée, et vous a couronné.

PTOLOMÉE.

Il n'en est plus que l'ombre, et couronna mon père,

Dont l'ombre, et non pas moi, lui doit ce qu'il espère. 250

Il peut aller, s'il veut, dessus son monument

Recevoir ses devoirs et son remercîment.

CLÉOPATRE.

Après un tel bienfait, c'est ainsi qu'on le traite!

PTOLOMÉE.

Je m'en souviens, ma sœur, et je vois sa défaite.

245. A propos du v. 71, nous avons remarqué qu'on employait couramment sous qui, de qui, à qui, etc., en parlant des choses aussi bien que des personnes.

249 Stat magni nominis umbra. (Lucain, I, 135.)

250. Dans cette répétition du mot ombre n'y a-t-il, comme Je dit Voltaire, qu'un mauvais jeu de mots? ou n'est-ce qu'une négligence? Il est certain qu'ombre n'a pas au v. 250 le même sens qu'au v. 240. Mais, comme Ptolomée parle ironiquement, nous croirions volontiers à un rapprochement cherché et d'un goût douteux, dont le sens serait : puisque Pompée n'est plus qu'une ombre, c'est une ombre seule qui peut lui payer la dette contractée envers lui. Les vers suivants semblent confirmer cette interprétation. Ptolomée y dit, en effet, en substance : que cette ombre aille demander des remerciements & l'ombre de mon père, sur son tombeau.

251. Dessus pour sur; voyez la note des v. 38 et 86. — « Monument ; ce mot, pour dire tombeau, est poétique ou de la prose sublime. » (Dictionnaire de Richelet, 1680.) M. Littré ne cite qu'un exemple en prose, de Bossuet ; maison en trouve d'innombrables chez les poètes contemporains de Corneille :

Ce boohenr m'arrivant, je venais sans tristesse

Choir dans le monument ma mourante vieillesse. (Rotron, Captifs, V ♦.)

Mourir pour son pays, c'est payer nne ilette.

Et, quand pour son sujet j'épouse un monument.

Je ne lui donne rien, je lui rends seulement. (Id., Iphigénie, V, 2.)

Elle a mis tous me» vœux dedans le monument. (Id., Don Lopc, IV, 1.)

S'il arrivait qu'Auguste entrât au monument... (Tristau Mananw. l\. \)

�� �