Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/146

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l-i NICOMEDE

Pour bien marquer celle faiblesse irrémédialile du carac- tère de Prusias, pour écarter de nous toute horreur tragique trop pesante, Corneille n"a pas jugé qu'il suffit de montrer le vieux roi asservi aux Komains, il le montre encore asservi à sa femme Arsinoé. L'histoire nous apprend, il est vrai, qu'il se maria deux fois, mais ne nomme aucune de ses deux femmes. Pourquoi donc Arsinoé sort-elle de cette longue obscurité pour paraître au grand jour de la scène? C'est que son intervention est doublement utile : mère ambitieuse et complice des Ro- mains, elle les aide puissamment dans leur lutte contre Nico mède ; femme de Prusias , elle atténue, eu la partageant, la responsalulilé morale de certains actes. Livré à ses propres inspirations, Prusias serait un monstre; dominé par Arsinoé, s'il est un père ingrat, c'est qu'il est un mari trop complaisant. Elle-même, dès le début de la pièce, prend soin d'expliquer, sinon d'excuser, la conduite antérieure de son mari. La plupart des historiens, par exemple, rejettent sur Prusias tout l'odieux de la mort d'Annibal. Tile-Live n'hésite que sur les motifs qui le décidèrent à livrer son hôte : eut-il peur d'une menace, ou prévint-il un ordre pour faire sa cour aux Romains? Ce qui est certain, c'est qu'Annibal ne s'y trompe pas ; ses dernières paroles sont d'amers reproches, trop mérités : « Fidei rcgiim nihil sane confisus, Pnisix vero levitalem eliam experliis erat... Exsccralus deinde in capiU regnumque Priisix, et hospitalcs dcos violatx ab eo fidei testes invocans, poculum cxhausit '. » Chez Corneille, Prusias semble moins coupable ^ ; Flaminius et Arsinoé ont tout fait.

Et les perfides menées de cette marâtre, loin de nous dis- traire de l'action essentielle, nous y ramènent sans cesse : car à son beau-fils iMcomède, l'ennemi des Romains, elle oppose le protégé des Romains, son fils Atlale. Rome est tou- jours à l'horizon. Ici encore pourtant l'histoire était pi'esquc muette ; elle ne donnait pas même un nom. Des fils étaient nés du second mariage de Prusias ; mais on les élevait à Rome, 3t ils y séjournaient au moment même où éclata le conilit snlre Prusias et son fils aîné. Pourquoi Corneille en a-t-il fait revenir celui qu'il appelle Attale? C'est, il nous l'apprend lui- même, pour opposer à Nicomède un rival appuyé de toute la faveur des Romains, jaloux de sa gloire et de sa grandeur naissante'. « Lorsqu'ils accordaient la paix à quelque prince.

��1. Tite-Live, XXXIV, 60.

2. Platrirque dit pourtant que Prusias essaya en vain de nécbir Flamininus par ges prières.

3. Examen de Nicomède.

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