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INTRODUCTION ITi

il étale avec un scepticisme presque cynique des maximes tie gouvernement qui révoltent la scrupuleuse honnêteté d'Attale. Cette souplesse d'espiit et celle mobilité d'humeur lui per- mettent d'être tour à tour impérieux et humble, hypocrite et sincère, selon que les circonstances l'exigent. Il est hypocrite, par exemple, lorsqu'il vante le désintéressement des Ro- mains' ; mais c'est qu'alors il doit jouer un rôle. Il est sin- cère lorsqu'il met à nu les motifs intéressés qui guident la politique étrangère du sénat; mais c'est qu'alors la franchise est facile et nécessaire. Par sa vue nette du but et sa résolu- tion arrêtée de l'atteindi'e il domine Prusias; par les sourdes pratiques de sa diplomatie rusée il a l'avantage sur .Nicomède, qui combat au grand jour. Arsinoé, qu'une sédition affole, a besoin de cet allié toujours maître de lui, qui considère avec sang-froid le péril et y remédie. Comment Attale se passe- rait-il de cet instituteur officiel des princes, qui leur en- seigne si bien à être rois sans régner? 11 est vrai qu'Attale échappe à cette main souple et ferme qui croyait le tenir. Polilique sans scrupules, Flaminius ne conçoit point de scriqiules chez les autres. 11 se croit trop tôt sûr de la victoire et pai' là précipite le dénouement, qui ne lui est pas favo- ra])le.

On a exagéré, ce nous semble, sur l'aveu même de Cor- neille, la « mauvaise posture » où ce dénouement laisse Fla- minius. Eût-on mieux aimé qu'en compagnie de Prusias il se fût soustrait par la fuite à l'embairas d'une situation fausse? Mais qu'eûl-il fait de ce Prusias détrôné? Comment le sénat l'eût-il accueilli à son retour? Non, Flaminius ne songeait à fuir qu'avec un prisonnier comme INicomède. Dés que Nico- mède est vainqueur, il ne fuit plus, et sa seule présence fait comprendre que sa défaite n'est pas définitive. Il peut se taire avec dignité, car son silence réserve l'avenir, qui appartient à la république; et Prusias le sent bien, lui dont le souci est d'apaiser Uome menaçante. Sans atfectation d'humilité, sans bravades déplacées, par quelques paroles brèves et hoides, mais courtoises, il concilie ce qu'exigent de lui les circons- tances et la majesté de Rome, toujours présente. Il donne quelques espérances et ne fait pas une promesse. Ce vaincu est encore un juge. Après comme avant, Rome demeure libre.

Il est donc excessif de prétendre que Corneille s'est retourné contre Rome, qu'il avait glorifiée tant de fois ailleurs. « Apiès

��1. Voyez le v. 674.

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