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lui était familier, des tyrannies que l'imprudent s'est pris à aimer. Ce revirement d'Altale n'est pas seulement dramati- que, il esllocique et nécessaire. « On a reproché au rôle d'Al- tale, dit M. rsaudet, d'être inégal et inconséquent : comme si l'inconséquence n'était pas une des infirmités ordinaires de cette jeunesse allaitée dans les douceurs d'une haute fortune. La nature l'a fait bon, tous ceux qui l'entourent s'appliquent aie pervertir. C'est l'enfant gâté d'une maison souveraine Ébloui des grandeurs que sa mère lui prépare, caressé par les princes de Rome, qui se Haltent de tenir sous leur main un serviteur docile, doit-on s'étonner qu'il croie au droit de la force, et qu'il regarde comme permis tout ce que voudra sa passion? Ne reconnaissez-vous pas les enivrements des espérances sans bornes, les illusions des prospérités sans expérience, au-devant desquelles tout s'empresse? Mais vienne l'épreuve sérieuse ; son âme se dégagera de ces nuages, elle suivra ses nobles instincts, elle se montrera grande. »

Mais si Attale s'élève sans effort à l'héroïsme, l'héroïsme de Nicomède en sera forcément amoindri : carNicomède, absent, prisonnier, délivré par Attale, ne jouera plus au dénouement le rôle essentiel. Corneille n'a pas voulu que notre admiration pût hésiter entre deux héros ; il n'a pas voulu méine que Nico- mède parût avoir tout à fait tort dans sa conduite envers Attale. Non seulement le disciple d'Annibal n'a pas tort, au début, de ti'aiter en adversaire le disciple de Flaminius ; non seulement il n'a pas tort ensuite de repousser — un peu dure- ment, il est vrai — ses avances, puisqu'il n'est point dans le secret de ses hésitations honorables, mais encore, à l'heure même de la crise morale qui transfigure Attale, il aurait le droit, s'il en était le témoin, de garder quelque scepticisme. 11 est injuste, ce nous semble, d'affirmer, avec M. Géruzez, qu'Atlale ne tourne à la générosité qu'après que Flaminius' lui a défendu de songer à Laodice : car cette générosité som- meillait, en quelque sorte, au fond de son âme indolente, et pour l'y réveiller il ne fallait qu'une occasion. Mais on ne peut s'empêcher, enfin, de remarquer combien sont personnels et peu désintéressés les motifs qui le déterminent. L'occasion se fût présentée tôt ou tard, nous le voulons bien ; mais c'est à ce moment et sous cette forme qu'elle se présente. Une ré- vélation soudaine illumine l'esprit d'Attale :

Rome ue m'aime pas : elle hait Nicomède*.

i. NicoJnède, IV, S.

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