Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1G2 MCOMEDE

duire. » Avec quelle habileté ce Photin d'ordre inférieur, aussi cynique au fond, mais plus souple et voilé dans la forme que le Pholin de Pompée, irrite Prusias en feignant de vouloir l'apaiser, lui conseille ce dont il veut le détour- ner, el le mène doucement au but d'où il l'écarté en appa- rence! Que d'in?inuations meurtrières, de réticences qui en disent plus que les longs discours , d'éloges empoisonnés qui accusent ! Avec Arsinoé, dont il est l'âme damnée, i! triomphe enfin ; pour reconnaître ses services, on lui contie la garde de Niconiède prisonnier, et ce geôlier ne laisserait pas échapper cette proie si le coup de poignard d'Attale ne simplifiait un problème insoluble autrement. Comme le Nar- cisse de Racine, Aiaspe est prêt à tout et a tout prévu, excepté la mort. A la ditférence de Narcisse, c'est une figure de ti'oi- sième plan, mais d'un dessin achevé. Les Prusias appellent les Araspes ; mais un Araspe, qu'on ne s'y trompe pas, suffit pour venir à bout d'un Nicomède.

��III

LA TRAGI-COMÉDIE

PRUSIAS ET ARSINOÉ. — LE C0SR0É3 DE ROTROU ET LE MALADE IMAGINAIRE

Au lieu de reconnaître l'intérêt historique et dramatique à la fois de la lutte engagée dans Nicomède , les dé!racteurs de Corneille se sont plu, avec une puérile insistance, à souligner fous les vers, tous les mots, qui leur paraissaient s'écarter du ton de la tragédie classique telle qu'ils la comprenaient, et se rapprocher du ton de la comédie. Dans ce mélange de deux genres auxquels ils assignent un domaine étroitement dis- tinct, ils voient une dangereuse innovation, importée d'Es- pagne. Il est très vrai que les l^spagnols se sont permis de bonne heure ce mélange plus ou moins heureux, que leur tempérament national leur a vite rendu familier. Pour ne citer que les modernes, Lope de Vega écrit : u Ces alterna- tives plaisent ; on ne veut voir d'autres pièces que celles qui sont demi-sérieuses, demi-plaisantes; la nature elle-mènie nous enseigne cette diversité, d'où elle emprunte une partie de sa beauté 1. » Mais, bien avant Lope d- Vega, plusieurs

1. Le Nouvel art de faire des comédies, poème did.ictique.

�� �