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INTRODUCTION 169

quelques timides essais de résistance, obéit, mais s'en veut d'obéir :

VALENS.

L'impérieuse humeur ! Vois comme elle me brave, Comme son iier orgueil m'ose traiter d'esclave.

PAULIN.

Seigneur, j'en suis confus, mais vous le méritez : Au lieu d'y résister, vous vous y soumettez i.

Prusias est bien avili; qui pourtant oserait lui parler sur ce ton? Ni chez Valens ni chez Félix on ne trouve ce trait do- minant du caractère de Prusias, l'ingratitude; mais on le re- trouvera, beaucoup plus tard, dans le caractère moins vivant d'Orode, roi des Parlhes, qui est l'obligé à la fois et Tennenii de son général Suréna :

��Uu service au-dessus de toute r(Compeiise, A force d'obliger, tient presque lieu d'olïense 2.

��Tacite avait dit : « Gratia oneri hnbetur^. » Et La Rochefou- cauld dira : « Les hommes ne sont pas seulement sujets à perdre le souvenir des bienfaits; ils haïssent même ceux qui les ont obligés. L'application à récompenser le bien leur paraît une servitude à laquelle ils ont peine de se soumettre... L'orgueil ne veut pas devoir, et l'amour-propre ne veut pas payer '\ » Il est vrai que le même La Rochefoucauld a écrit : « tel homme est ingrat, qui est moins coupable de son ingru- titude que celui qui lui a fait du bien >\ » Par sa hauteur et sa jactance Nicoméde aurait-il provoqué et par là même excusé d'avance l'ingratitude de Prusias? Il est certain, du moins, que cette ingratitude a trouvé des apologistes. Fontenelle est bien subtil dans son plaidoyer : <( Cette b'^ssesse est si natu- relle dans les circonstances où il se trouve qu'il n'y a qu'un cœur de héros qui s'en pût garantir, et même elle représente les premiers mouvements du cœur d'un héros. » — « On n'en-

1. Théodore, II, 7.

2. Suréna, III, 1. — Volt;iire ;i dit aussi:

Trop de reconnaissance est un fardeau peut-otre. {Tana-ède, IV, 4.)

3. Histoires, IV, 3.

4. Maximes, xiv, ccxxTill.

5. Ibid., xcvi.

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