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172 NICOMÈDE

De plus miJchauttf que vous à la mettre plus bas. Le peuple qui vous voit, la cour qui vous coutemple, Vous désobéiraient sur votre propre exemple: Doauez-leur-en un autre, et montrez à leurs yeux Que nos premiers sujets obéissent le mieux ».

Ce n'est là peut-être qu'un rôle supérieurement joué, en face d'un fils dont la fierté ne comprend que ce langage; mais il faut au moins avouer que le comédien couronné qui parle ainsi n'est pas Tentant séuile qu'on aime à nous peindre. Co- médien, et comédien consommé, Prusias l'est plus qu'il ne semble d'abord. Il est, dit-on, au second acte, la dupe du perfide Araspe, qui l'aigrit contre son fils en feignant de vou- loir l'apaiser. Point si dupe, en vérité! car si Araspe est son mauvais génie, c'est que les Araspes sont prédestinés au rôle de conseillers des Prusias, et que les Prusias se reconnais- sent en eux. Ces pensées qu'Araspe lui souffle, ces senti- ments qu'il veut lui inspirer, croyez-vous qu'ils soient si nou- veaux pour Prusias? Non, Araspe l'aide seulement à voir clair dans son âme. 11 y voyait quelque peu déjà l'homme qui analyse avec tant de pénétration les causes de son ingra- titude :

On n'aime point à voir ceux à qui l'on doit tant 2.

Ces aveux, dont le cynisme rappelle ceux de Félix dans Pobjeucte, sont médiocrement gais au fond, ce nous semble: s'ils font sourire parfois, c'est qu'à la bassesse des sentiments correspond la bassesse des expressions. Nous le connaissons assez désormais pour ne pas prendre au sérieux le retour hy- pocrite de tendresse paternelle qui marque la scène suivante. Araspe est là, d'ailleurs, qui sait ce qu'il en faut croire. C'est à ce moment précis qu'il prie son fils de répondre pour lui à Flaminius. Folie pure, s'il est sincère : car il n'ignore ni les sentiments ni le caractère de son fils; il sait qu'un éclat est inévitable. Mais c'est précisément cet éclat qu'il veut provo- quer. Ainsi, sans se compromettre lui-même, il compromet- tra rsicomède. Son effarement est plaisant, et la pusillani- mité naturelle du personnage y entre pour beaucoup; mais n'ajoute-t-il pas à la nature? Est-il vraiment pris à l'impro- viste par un confiit qu'il devait prévoir et qu'il a préparé? Il

i. Niromède, II, S.

a. ibid.. II, 1.

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