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196 NICOMÉDE

desseins de son père m'ont donné jour à d'autres artifices pour le faire tomber dans les embûches que sa belle-mère lui avait préparées; et pour la fin, je l'ai réduite en sorte que tous mes personnages y agissent avec générosité, et que les uns rendant ce qu'ils doivent à la vertu, et les autres demeu- rant dans la fermeté de leur devoir, laissent un exemple assez illustre et une conclusion assez agréable.

La représentation n'en a point déplu; et comme ce ne sont pas les moindres vers qui soient partis de ma main, j'ai su- jet d'espérer que la lecture n'ôtera rien à cet ouvrage de la réputation qu'il s'est acquise jusqu'ici, et ne le fera point juger indigne de suivre ceux qui l'ont précédé. Mon princi- pal but a été de peindre la politique des Romains au dehors, et comme ils agissaient impérieusement avec les rois leurs alliés; leurs maximes pour les empêcher de s'accroître, et Jes soins qu'il? prenaient de traverser * leur grandeur, quand elle commençait à leur devenir suspecte à force de s'augmen- ter et de se rendre considérable par de nouvelles conquêtes. C'est le caractère que j'ai donné à leur république en la per- sonne de leur ambassadeur Flaminius, qui rencontre un prince intrépide, qui voit sa perte assurée sans s'ébranler, et brave l'orgueilleuse masse de leur puissance, lors même qu'il en est accablé. Ce héros de ma façon sort un peu des règles de la tragédie, en ce qu'il ne cherche point à faire pitié par l'excès de ses malheurs ; mais le succès a montré que la fer- meté des grands cœurs, qui n'excite que de l'admiration dans l'àme du spectateur, quelquefois est aussi agréable que la compassion que notre art nous commande de mendier par leurs misères ^. Il est bon de hasarder un peu, et ne s'attacher pas toujours si servilement à ses préceptes, ne fût-ce que pour pratiquer celui de notre Horace :

Et mihi res, non me rébus, sulmiltere conor^.

Mais il faut que l'événement'* justifie cette hardiesse; et dans une liberté de cette nature on demeure coupable, à moins que dètxe fort heureux.

1. Traverser, c'est se mettre k la traverse de quelque chose, y faire obstacle, en entraver la réalisation. Le substantif traverse, aujourd'hui vieilli, avait le sens de diffirn'tê.

i. C'est toute la question ; elle a été souvent discutée et résolue en sens divers. Voyez l'Introduction.

'A. Epitres, I, I. Horace dit subjungere. Corneille qui cite de mémoire, écrit submitto'p, qui semble plus im|iérieux et convient mieux ù son génie dominateur.

4. L'événement, l'issue de l'entreprise. Rotrou a dit :

• 1, 'honneur de l'entreprise est dans l'évtjnement. •

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