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ACTE II, SCÈNE II 239

Je serais innocent ; mais si loin de vos yeux,

Que j'aime mieux. Seigneur, en perdre un peu d'estime,

Et qu'tin bonheur si grand me coûte un petit crime,

Qui ne craindra jamais la plus sévère loi,

Si l'amour juge en vous ce qu'il a fait en moi. 490

��La plus mauvaise excuse est assez pour un père.

Et sous le nom d'un fils toute faute est légère.

Je ne veux voir en vous que mon unique appui :

Recevez tout l'honneur qu'on vous doit aujourd'hui.

L'ambassadeur romain me demande audience; 495

Il verra ce qu'en vous je prends de confiance;

Vous l'écouterez, Prince, et répondrez pour moi.

Vous êtes aussi bien le véritable roi;

Je n'en suis plus que l'ombre, et l'âge ne m'en laisse

Qu'un vain titre d'honneur qu'on rend à ma vieillesse; 500

��Corneille : u Le bien de vous revoir. » {Médée, 1202.) — « Le bien de te voir. » {Cid, 910.)

488. Un petit crime n'est pas fort tragique, sans doute ; mais il ne faut pas ou- blier qu'ici le fils et le père jouent un peu la comédie vis-à-vis l'un de l'autre, qu'il y a dans ces paroles une ironie cachée que les démonstrations d'amour filial voilent assez mal, enfin que personne n'est dupe, ni le fils de la colère all'ectée du père, ni le père de la tendresse empressée du fils.

489. Xar, Qui ne craindra jamais une si dure loi. (Ifi51-îi6.)

« J'ai toujours pensé que c'était le criminel qui craignait la loi, et non pas le crime. Je sais que dans les images poétiques on personnifie le crime comme la vertu; mais je n'ai vu nulle part: le crime craint la loi. » (Leliain.) Rien de plus naturel, au contraire: tout ce pas?nge peut sembler un peu abstrait, traînant, en- combré de que et de qui; mais qui songe à s'étonner d'entendre Nicomède dire : Mon crime, ce crime si léger que vous me reprochez, n'aura point à craindre un châtiment sévère si l'amour paternel juge ce qui est la faute de l'amour filial ?

492. Un personnage de Rotrou dit, avec une émotion plus sincère :

Les fautes des enfants blessent légèrement :

Une larme, un soupir les efface aisément. (Sœur, IV, 2.)

493. « Que mon unique appui, espèce do latinisme. Unique veut dire non pas que Prusias se croît sans autre ap]iui que Nicomède, mais que Nicomède lui semble un appui excellent, tellement supérieur à tous les autres, qu'il les efface et paraît être seul. Unieus se prenait très souvent en ce sens dans la langue la- tine. » (Naudet.)

408. Aussi bien, d'ailleurs, comme au v. 1004. Aujourd'hui, l'on met plutôt aussi bien au début de la phrase : aussi bien, vous êtes... « Ce piège grossier ou Prusias veut faire tomber le jeune prince est une invention digne de ce cœur faible et lâche Impuissant à contenir et à cacher ses mécontentements et sa malveil- lance, sans avoir la hardiesse de satisfaire par un acte d'autorité ses défiances et ses ressentiments, il va nuttre son fils dans une position embarrassante pour tout autre. 11 faudra qu'en présence de l'ambassadeur romain il prononce lui- même dans sa propre cause, qu'il choisisse entre son intérêt et son amour, et qu'il sacrifie l'un à l'autre. Prusias ne se dément pas. » (Naudet.)

500. C'est le langage que, chez Rotrou, le vieux Venceslas tient au fougueui

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