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336 ÉTUDE

même où il déclarait que « ce malheureux poème » serait saus doute le dernier de ses vingt-deux poèmes dramatiques, il se dé- fendait de vouloir prendre « une résolution si forte qu'elle ne se puisse rompre », et il faisait bien.

Plus tard, revenant à ce souvenir pénible, dan? son Examen, il écrivait

« Le succès de cette tragédie a été si malheureux, que pour m'épargner le chagrin de m'en souvenir, je n'eu dirai presque rien. Le sujet est écrit par Paul Diacre , aux quatrième et cin- quième livres des Gestes des Lombards, et, depuis lui, par Erycius Puteanus, au second livre de son Histoire des invasions de l'Italie par les barbares. Ce qui l'a fait avorter au théâtre a été l'événe- ment extraordinaire qui me l'avait fait choisir: on n'y a pu sup- porter qu'un roi dépouillé de son royaume, après avoir fait tout son possible pour y rentrer, se voj'ant sans forces et sans amis, eu cède à son vainqueur les droits inutiles, afin de retirer sa femme prisonnière de ses mains ; tant les vei-tus de bon mari sont peu à la mode ! J'ajoute ici, malgré sa disgrâce, que les sentiments en sont assez vifs et nobles, les vers assez bien tournés, et que la façon dont le su- jet s'explique dans la première scène ne manque pas d'art. »

Peut-être le seul titre de la pièce dépaysa-t-il des spectateurs qui n'avaient jamais lu Paul Diacre, traduit par du Verdier. A coup sur, tant de noms barbares devaient étonner les délicats, en un siècle où Boileau reculait d'effroi devant les noms des villes hollandaises conquises par Louis XIV. Et pourtant Voltaire a pu croire que Racine, dans Andromaque, s'est souvenu de Pertharite.

Après avoir dépossédé son frère Gondebert, Pertharite, roi des Lombards, époux de Rodeliude, a été détrôné à son tour par sa sœur Edùige, qui venge Gondebert mort, en armant contre Per- tharite son fiancé Grimoald, comte de Bénévent. Vainqueur, Grimoald s'éprend de Rodelinde, la femme du vaincu, qui a disparu et que l'on croit mort. On conçoit le? transports jaloux d'Edûige, qui se heurte, tantôt contre la fierté hautaine de sa ri- vale, tantôt contre l'insensibilité, volontiers menaçante, de Gri- moald. Rodelinde ne ressemble pas encore à Andromaque, bien que comme Andromaque elle garde le pieux souvenir de son époux:

Je dois à sa mémoire, à moi-même, à son fils. Ce que je dus aux nœuds qui nous avaient unis.

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