Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/350

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Une plus forte haine en serait le salaire. Donnez-vous donc, Madame, et faites qu’un vengeur N’ait plus à redouter le désaveu du cœur.

Que vous m’êtes cruel en faveur d’un infâme, De vouloir, malgré moi, lire au fond de mon àme, Oii mon amour trahi, que j’éteins à regret, Lui fait contre ma haine un partisan secret! Quelques justes arrêts que ma bouche prononce. Ce sont de vains efforts où tout mou cœur renonce. Ce lâche malgré moi l’ose encor protéger, Et veut mourir du coup qui m’en pourrait venger. Vengez-moi toutefois, mais d’une autre manière : Pour conserver mes jours, laissez-lui la lumière. Quelque mort que je doive à son manque de foi, Otez-lui Rodelinde, et c’est assez pour moi; Faites qu’elle aime ailleurs, et punissez son crime Par ce désespoir même où son change m’abîme. Faites plus : s’il est vrai que je puis tout sur vous. Ramenez cet ingrat tremblant à mes genoux, Le repentir au cœur, les pleurs sur le visage. De tant de lâchetés me faire un plein hommage. Implorer le pardon qu’il ne mérite pas, Et remettre en mes mains sa vie et son trépas.

GARIBALDE.

Ajoutez-y, Madame, encor qu’à vos yeux même

Cette odieuse main perce un cœur qui vous aime.

Et que l’amant fidèle au volage immolé

Expie au lieu de lui ce qu’il a violé.

L’ordre eu sera moins rude, et moindre le supplice.

Que celui qu’à mes feux prescrit votre injustice :

Et le trépas en soi n’a rien de rigoureux

A l’égal de vous rendre un rival plus heureux.

Duc, vous vous alarmez faute de me connaître ; Mon cœur n’est pas si bas qu’il puisse aimer un traître. Je veux qu’il se repente, et se repente en vain, Rendre haine pour haine, et dédain pour dédain, Je veux qu’en vain son àme, esclave de la mienne, Me demande sa grâce, et jamais ne l’obtienne, Qu’il soupire sans fruit, et, pour le punir mieux, Je veux même à mon tour vous aimer à ses yeux.

Le pouvez-vous. Madame, et savez-vous vos forces ? Savez-vous de l’amour quelles sont les amorces? Savez-vous ce qu’il peut, et qu’un visage aimé Est toujours trop aimable à ce qu’il a charmé?