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334 ETUDE

Quelle vengeance en prend ta princesse irritée,

Et connais dans la fin de tes longs déplaisirs

Ta véritable reine à ses derniers soupirs.

Vois comme à tes malheur^ je suis toute asservie :

L'un m'a coûté mon trône, et l'autre veut ma vie.

Tu t'es sauvé du Sphinx aux dépens de mou rang ;

Sauve-toi de la peste aux dépens de mon saug.

Mais après avoir vu dans la lin de ta peine

Que pour toi le trépas semble doux à ta reine,

Fais-toi de son exemple une adorable loi :

Il est encor plus doux de mourir pour son roi.

Andromède avait déjà paru bien prompte à se dévouer • ; mais Dircé laisse Andromède bien loin derrière elle. Le désespoir de Thésée ne l'attendrit point ; elle lui rappelle son propre héroïsme, dont elle saura se montrer digne :

Pour le bonheur public n'avez-vous pas toujours Prodigué votre sang et hasardé vos jours ? Quand vous avez défait le Minotaure en Crète, Quand vous avez puni Damaste et Périphète. Sinnis. Phcea. Scirron, que faisiez-vous. Seigneur, Que chercher à périr pour le commun bonheur ? Souffrez que pour la gloire une chaleur égale D'une amante aujourd'hui vous fasse une rivale. Le Ciel offre à mon bras par où me signaler; S'il ne sait pas combattre, il saura m'immoler; Et, si cette chaleur ne m'a point abusée. Je deviendrai par là digne du grand Thésée. Mon sort en ce point seul du vôtre est différent, Que je ne puis sauver mon peuple qu'en mourant, Et qu'au salut du vôtre un bras si nécessaire A chaque jour pour lui d'autres combats à faire... Votre bras de la Grèce est le plus ferme appui : Vivez pour le public, comme je meurs pour lui.

C'est donc au «. public » que Dircé se dévoue. Sauver tous ses sujets, voilà le devoir que spontanément elle s'impose, avant même que le sens de l'oracle ait été interprété. Thésée, lui, ne sait que gémir et que mourir par métaphore :

Séparer deux amants, c'est tous deux les punir. Et dans le tombeau même il est doux de s'unir.

A n'en pas douter, le véritable héros, c'est Dircé. 1. Voyez l'Etude sur A«dro»!èrfe.

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