Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/375

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SUR CUDIPE 3fi3

et de vos leçons... On me regardait comme un téméraire d'oser traiter un sujet où Pierre Corneille avait si bien réussi. Ou trou- vait alors l'CfeV/z/^e de Corueille excellent; je le trouvais un fort mauvais ouvrage, et je n'osais le dire ; je ne le dis enfin qu'au bout de dix ans, quand tout le monde est de mon avis i. » Ce té- moignage prouve que la pièce de Corneille n'avait rien perdu de sa popularité quand Voltaire hasarda la sienne, et que, seul, le succès de la pièce nouvelle fit oublier la première, qu'on reprenait encore, d'ailleurs, en 1729.

11 est facile de critiquer les amours de Thésée et de Dircé ; mais Voltaire a-t-il le droit de se montrer bien sévère sur ce point ? Thésée et Dircé ont disparu ; mais Philoctète et Jocaste les rem- placent, et l'on ne gagne point au chauge. Qui ne sent l'inconve- nance de la situation faite ainsi à Jocaste, cette victime de la plus terrible fatalité ? C'est un défaut nécessaire, dira Voltaire, car « il faut toujours donner des passions aux principaux personnages ». Pourquoi donc n'avoir pas fait aussi d'Œdipe un galant de tragi- comédie? Thésée, somme toute, est dans ce rôle moins emprunté encore que Philoctète, car à son souvenir s'attache le souvenir d'Ariane et de Phèdre. Mais le farouche Philoctète, ce Robiuson grec, amoureux de Jocaste, mariée pour la seconde fois, cela est-il tolérable? Que Voltaire ait eu la première idée de cette intrigue, ou qu'il l'ait introduite, comme il le prétend, sur les instances des comédiens, dans un drame où il n'y avait d'abord « jjresqiie pas d'amour », peu importe, l'intrigue n'en est pas moins étrange et déplaisante, d'autant plus qu'elle greffe une seconde action sur la première : car Philoctète quittera Thèbes au troisième acte, et on ne le reverra plus. Ajoutez que le caractère de Philoctète, de l'aveu même de l'auteur, a quelque chose d'outré : « J'ai voulu donner à Philoctète le caractère d'un héros, mais j'ai bien peur d'avoir poussé la grandeur d'àme jusqu'à la fanfaronnade... Comme il est dans la situation de Nicomède, j'ai cru devoir le faire parler à peu près comme ce jeune prince, et qu'il lui était permis de dire « un homme tel que moi », quand on l'outrage 2 ». Hélas ! Philoc- tète ne ressemble que de fort loin à Nicomède.

L'exposition, très admirée, et par l'auteur tout le premier, est bien artificielle. Que vient chercher Philoctète à Thèbes ? 11 n'a

��1. Lettre au P. Porée, 7 janvier 1730.

2. Lettres à M. de Genonville.

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