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êtlR LA TOISON D'OR 319

par la nature même du sujet, soit supérieure à Andromède, cette fois encore ce sont les machines qui étaient l'essentiel. «Le poète, disent les frères Parfaict», semble avoir négligé les agréments qui dépendaient de lui pour chercher les moyens de donner occa sion au machiniste d'exposer ses talents dans tout leur jour. » Le " machiniste » était, cette fois, ce marquis normand de Sourdéac, dont Voltaire dit qu'il n'était pas absolument fou, mais que sa raison était très particulière. « C'est un original, écrit Tallemaut des Réaux 2 ; il se fait courre par ses paysans comme on court un cerf, et dit que c'est pour faire exercice ; il a de l'inclination aux mathématiques ; il travaille de la main admirablement : il n'y a pas un meilleur serrurier au monde. » Avec la même rage il se jeta dans les entreprises théâtrales. Neuf ans après qu'il avait fait représenter la Toison d'or à son château de Neufbourg, dans une salle qui lui avait coûté dix mille écus, nous le retrouvons associé au musicien Cambert, au financier Champeron et à l'abbé Perriu, naguère introducteur des ambassadeurs près de Gaston d'Orléans. Cet abbé Perrin avait obtenu en 1669 des lettres pa- tentes pour établir « des académies d'opéra ou représentations de nmsique eu langue française sur le pied de celles d'Italie ». C'est de cette collaboration étrange que sortit, en 1671, Pomone, le premier opéra français proprement dit. Mais en 1672, les asso- ciés étaient ruinés et supplantés par l'insinuant Lulli, qui obte- nait du roi le privilège exclusif de l'opéra ; Cambert dut se retirer eu Angleterre, où il devint surintendant de la musique de Charles 11 et s'occupa mélancoliquement à faire danser les Anglais, jusqu'à sa mort, arrivée en 1677 ; l'abbé Perrin, très médiocre rimeur, fut vite éclipsé par Quinault, le maître du genre. INIais Sourdéac ne se rendit pas si aisément. Les comédiens, suivant M. Despois 3, lui avaient acheté ses machines ; mais il dut se séparer d'eux après une crise violente que fit naître l'opéra de Circé, écrit en collabo- ration par Thomas Corneille, de Visé * et le musicien Charpentier. En gentilhomme magnifique, Sourdéac ne reculait pas devant les prodigalités de la mise en scène ; mais les comédiens de l'ancienne troupe de Molière, établis au théâtre "Guénégaud, avaient leur

1. Histoire du théâtre français.

2. Historiettes, t. VII.

3. Le Thi'àtre français smis Louis XIV.

■ï. De Visé était un collaborateur plus commercial, si on iiciit ainsi parler, que littéraire.

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