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SUR SERTORIUS 393

Lorsque deux factions divisent un empire, Chacun suit au hasard la meilleure ou la pire, Suivant l'occasion ou la nécessité Qui l'emporte vers l'un ou vers l'autre côté. Le plus juste parti, difficile à counaitre, Nous laisse eu liberté de nous choisir un maître : Mais, quand ce choix est fait, on ne s'en dédit plus. J'ai servi sous Sylla du temps de Marius, Et servirai sous lui tant qu un destin funeste De nos divisions soutiendra quelque reste. Comme je ne vois pas dans le fond de son cœur, J'ignore quels projets peut former son bonheur : S'il les pousse trop loin, moi-même je l'eu blâme, Je lui prête mon bras sans engager mon âme ; Je m'abandonne au cours de sa lélicité. Tandis que tous mes vœux sont pour la liberté ; Et c'est ce qui me force à garder une place Qu'usurperaient sans moi l'injustice et l'audace, Afin que, Sylla mort, ce dangereux pouvoir Ne tombe qu'en des mains qui sachent leur devoir. Enfin je sais mon but, et vous savez le vôtre.

��Mais cependant, Seigneur, vous servez comme un autre;

Et nous, qui jugeons tout sur la foi de nos yeux.

Et laissons le dedans à pénétrer aux Dieux,

Nous craignons votre exemple, et doutons si dans Rome

11 n'instruit point le peuple à prendre loi d'un homme;

Et si votre valeur, sous le pouvoir d'autrui,

Ne sème point pour vous lorsqu'elle agit pour lui.

Comme je vous estime, il m'est aisé de croire Que de la liberté vous feriez votre gloire. Que votre âme en secret lui donne tous ses vœux; Mais, si je m'en rapporte aux esprits soupçonneux, Vous aidez aux Romains à faire essai d'un maître. Sous ce flatteur espoir qu'un jour vous pourrez l'ètr . La main qui les opprime, et que vous soutenez. Les accoutume au joug que vous leur destinez; Et, doutant s'ils voudront se faire à l'esclavage. Aux périls de Sylla vous tâtez leur courage.

��Le temps détrompera ceux qui parlent ainsi ; Mais justifiera-t-il ce que l'on voit ici? Permettez qu'à mon tour je parle avec franchise; Votre exemple à la fois m'instruit et m'autorise : Je juge, comme vous, sur la foi de mes yeux, Et laisse le dedans à pénétrer aux Dieux.

Ne vit-on pas ici sous les ordres d'un homme? N'y commandez-vous pas comme Sylla dans Rome? Du nom de dictateur, du nom de général,

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