Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/455

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rester fidèle à l'histoire qu'il roiilacora Sophonisbe outre ses (Iimik maris et prolnunora une situation dont Maii'et avait compris et liahilinneut évité l'équivoque délicatos;^e.

2» Corneille y doune une grande place, mais uou pas la pi'o- mière place, à l'amour : « Vous trouverez en cette tragédie les caractères tels que chez Tite-Livc ; vous y verrez Sophouishe avec le même attachemeut aux intérêts de son pays, et la mémr^ haine pour Rome qu'il lui attribue. Je lui prête peu d'amour ; mais elle règne sur lui, et ne daigne l'écouter qu'autant qu'il peut servir à ces passions dominantes qui régueut sur elle, et à ([ui elle sacrilie toutes les tendresses de son cieur. .Massinissi', Sypliax, sa propre A^ie... J'aime mieux, qu'on me repruidie d'avoir fait mes femmes trop héroïnes, pur ime ignorante et bassn alfecta- tiou de les faire ressembler aux originaux qui en sont venus jus- qu'à nous, que de m'eutendrc louer d'avoir efféminé mes héros par une doele et sublime complaisance au goiYt de nos délicats, qui veulent de l'amour partout, et ne permettent f\\i'ii lui de faire auprès d'eux la bonne ou la mauvaise fortune de nos ouvrages '. » D'où cette conséquence singulière: il y a dans la Sophonisbe cornélienne peu de vraie passion, mais beaucoup de galanterie romanesque. Massinissa n'est pas, il est vrai, « un amant parfait ", et se console fort aiséniout d'avoir perdu Sophonisbe ; mais c'est un parfait honnête homme, sinon au sens moral qu'on donne aujourd'hui à ce mot, du moins au sens mondain qu'on liù donnait autrefois.

Elle aussi, Sophonisbe, n'est pas toujours la Carthaginoise altière, rinq)lacable ennemie du nom romain ; à certains moments, elle n'est plus qu'une femme jalouse, et met toute sa gloire à braver Éryxe, sa rivale. « Éryxe est une reine de ma façon, » avoue Cor- neille, et il ajoute que ce personnage nouveau « pourrait passer en quelque sorte pour inutile ». En quelque sorte est de trop, et le poète ne réussit pas à justiher ce caractère épisodiquo, presque absolument inactif. Pourquoi donc a-t-il fait ici violence à l'histoire, lui qui semble reprocher à Mairet de l'avoir altérée? Pour rendre son drame plus historique encore : si Sophonisbe est Carthage , Eryxe c'est l'Afrique, qui regarde les Carthaginois comme des étrangers et des tyrans au même titre que les Romains.

I. Au lecteur. — Il s'agit de Quinault, dont YAxtratc eut tant di; succès vers cette époque. Sur cette théorie familière à Corneille, voyez t. I, Etude d'ensemble.