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456 ÉTUDE

libre de la Sophonisbe de Mairet. Plus heureuse que celle de La- grauge-Chancel, elle eut quatorze représentations, au lendemain d'une « première » orageuse, où l'intelligente énergie de l'acteur Le- kain conjura seule un désastre. Jouée le 15 janvier 1774 (et non, croyons-nous, en 1764, comme le dit M. Marty-Laveaus), imprimée dès 1769 ou 1770, cette dernière des Sophonisbes françaises n'a pas conservé un seul vers de la pièce qu'elle prétend rajeunir. Elle n'est curieuse au fond que par la dédicace, adressée au duc de la Vallière. Voltaire y proclame la supériorité de la pièce de Mairet et regrette qu'on l'ait exclue du théâtre. A ce regret il ajoute le vœu que les jeunes gens s'appliquent à corriger, pour les remettre à la scène, les pièces oubliées de Corneille et de ses contemporains: «J'ose croire que Y Astrale de Quinault, le Scévote de du Ryer, V Amour tyrannique de Scudéri, bien rétablis au théâtre, pourraient faire de prodigieux effets.» Qui empêcherait même de refaire par- tiellement Pow/*e>, Sertorius, Horace? On n'ose prendre ce souhait au sérieux; mais c'est déjà trop que Voltaire ait donné lui-même le mauvais exemple : en rajeunissant la vieille Sophonisbe il l'a gâtée.

Entre ses mains, le drame émouvant de Mairet tantôt s'affadit, tantôt s'assombrit et tourne au mélodrame. Quoi de plus curieux, chez Mairet, que la peinture des sentiments dont Massinissa vain- queur se sent agité devant Sophonisbe captive? Chez Voltaire, point de charme qui opère, point de conquête du vainqueur par la vain- cue. Une lettre a tout fait : cette lettre, écrite par Sophonisbe à Massinisse, saisie par Syphax, a déchaîné la fureur jalouse du vieux roi, et c'est sur le cadavre de Syphax que Massinisse la découvre. Ce caractère de Massinisse est surtout altéré : il brave en face Lé- lius,il met l'épée fila main et se fait arrêter par les licteurs ; il poi- gnarde lui-même Sophonisbe, et s'empoisonne, après avoir montré aux Romains le cadavre de leur victime. On le voit, ce n'est pas sur la forme seule que portent les remaniements de Voltaire. Ij semble, d'ailleurs, n'avoir été que médiocrement fier de son œuvre, qu'il mettait d'abord au compte de Lantin. Si elle avait réussi, il en aurait revendiqué la gloire.

Nous n'insisterons ni sur la Sophonixbe de Thomson ni sur celle d'Alfieri. La première marque le début de Thomson au théâtre, où il se distingua plus tard par des œuvres plus fortes ; la seconde est une déclamation dramatique et politique, où sont exaltées les vertus républicaines, mais dont l'intérêt est médiocre : n'y voit-on

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