Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/476

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

464 ÉTUDE /

tion : « Non erat Othoni mollis et corpori similis anii/i us* . » Blasé, d'ailleurs, et indifférent à tout, il n'en était que mieux fait p<îur comprendre cette armée qui se donnait au plus offrant, cette plèbe qui réclamait à grands cris le supplice des conjurés, comme un spectacle, sauf à acclamer ensuite les conjurés triomphants. Blessé dans son amour-propre par la préférence accordée àPison, il réclame et contemple avec un plaisir amer la tête de son rival involontaire; il s'abaisse aux flatteries les plus éhontées pour conquérir l'empire en conquérant les légions : » Omnia scrviliter pro dominatione^. » Mais il est capable aussi, lorsque la victoire de Vitellius venge la défaite de Galba, de faire sans bruit et sans phrases le sacrifice de sa vie, affable et paisible jusqu'au dernier moment, pleuré de ses soldats, de ses serviteurs, de ses amis, pleuré même de ceux qui voient en lui, par une illusion étrange, le restaurateur de la liberté républicaine : « L7 vuhjo jactatumsit etiam Galham ab eo non tam dominandi quam reipuhlicœ ac liber- tatis restiiuends causa interernptum^. » Ces traits divers et contra- dictoires composent un caractère fort curieux sans doute, mais assez peu dramatique.

Où donc sera le drame? Entre ce monarque crédule, jouet de ses créatures , et cet usurpateur ambitieux notre sympathie hé- site et se réserve. Corneille a compris que l'histoire toute nue ne suffisait pas à l'intérêt d'une tragédie. 11 a pris à Tacite les traits essentiels de la situation historique : car Tacite nous montre le triumvirat de Vinius, Alartian et Lacon (Lacus, chez Corneille) divisé au sujet de l'adoption que Galba doit faire d'un empereur en expectative. Seul, Vinius se prononce ouvertement en faveur d'Othon. qui doit épouser sa fille. C'est de ce projet de mariage que Corneille a fait le ressort essentiel de son action. « La fille de Vi- nius, dit M. Marty-Laveaux, n'est pas nommée par Tacite, qui nous apprend seulement qu'elle était veuve. » M. Marty-Laveaux se trompe : Tacite appelle Crispina* celle que Corneille appelle Plautine. Dans l'histoire, ce projet d'union n'est que le résultat d'un marché vulgaire : Othon promet d'épouser la fille à condition que le père appuiera ses prétentions auprès de Galba ; dans la tragé- die, ce calcul politique se transforme en passion ardente et sincère,

1. Histoires, I, £2.

2. Jbid.. 1, 36.

3. Suétuiie, Vie d'Othon, Xll.

4. Histoires, I, i".

�� �