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SUR ATTILA 499

Cette année même, huit mois après Attila, Andromaque, le Cid de Racine, faisait son apparition, et Boileau, l'ami, l'utile conseiller du jeune poète, avait les yeux tournés du côté de l'astre nouveau. C'est ce que lui repz'oche trop sévèrement le P. Tournemiue, fort admirateur d'Attila : « Ou y admirera, dit-il, cette force de poli- tique et de raisonnement qui distingue toujours Corneille. On y trouvera des caractères nouveaux, grands, soutenus ; le déclin de l'empire l'omain, les commencements de l'empire français, peints d'une grande manière et mis eu contraste; une intrigue conduiti' avec art; des situations intéressantes, des vers aussi heureux et plus travaillés que dans les plus belles pièces de Corneille; on ap- prendra enhn à se délier de la critique de Boileau i. » Mais le même P. Tournemiue n'admire guère moins Agésilas. 11 faut se contenter, croyons-nous, de penser et de dire avec les frères Parfaict : « Le jugement de M. Despréaux est un peu dur et trop brusque 2. » On n'acceptera pas non plus sans réserve les éloges de Fontenelle, neveu du poète, et de Saint-Evremond, « cornélien » plus prévenu encore : « 11 ne pouvait mieux braver son siècle qu'en lui donnant Attila, digne roi des Huns. Il règne dans cette pièce une férocité noble que lui seul pouvait attraper... La tragédie d'Attila eût été admirable du temps de Sophocle et d'Euripide, où l'on avait plus de goût pour la scène farouche et sanglante que pour la douce et la tendre. La vérité est que la pièce est moins propre au goût de la cour qu'à celui de l'antiquité; mais elle me semble très belle. » Sans méconnaître les beautés d'Attila, en admettant même que « le caractère d'Attila est un de ceux que lui seul était capable de mettre sur la scène s, » on peut croire, au contraire de Saiut-Évre- moud et de Fontenelle, que la pièce est gâtée par le souci de plaire au public, que l'amour d'Attila, par exemple, est un trait moderne, et trop moderne.

Mais c'était là déjà un lieu commun consacré : on voulait — et l'on n'avait qu'à moitié tort — que Corneille fût historien scrupu- leux autant que poète original :

Cette dernière des merveilles De l'aîné des fameux Corneilles, Est un poème sérieux,

1. Lettre citée au t. II de l'édition de Boileau par Saint-Marc

2. Histoire du théâtre français. i. Jbid.

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