Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/520

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

508 ÉTUDE

comme dit le bou Robinet, mais sans ironie. Depuis l'assassinat de son frère Veda ou Bleda, le tyran est sujet à cet accident fâ- cheux :

Le sang qu'après avoir mis ce prince au tombeau

On lui voit chaque jour distiller du cerveau

Punit son parricide, et chaque jour vient faire

Un tribut étonnant à celui de ce frère :

Suivant même qu'il a plus ou moins de courroux.

Ce sang forme un supplice ou plus rude ou plus doux,

S'ouvre une plus féconde ou plus stérile veine,

Et chaque emportement porte avec lui sa peine.

Au cinquième acte, de peur que nous n'ayons oublié ce détail im- portant, Honorie se charge de le rappeler en invectivant Attila :

Ton sang, qui chaque jour à longs flots distillés, S'échappe vers ton frère et six rois immolés. Te dii-ait-il trop bas que leurs ombres t'appellent? Faut-il que ces avis par moi se renouvellent? Vois, vois couler ce sang qui te vient avertir, Tyran, que pour les joindre il faut bientôt 'partir.

Nous voilà dûment avertis et préparés au dénouement, qui ne se fait pas attendre. On doit louer Corneille de n'avoir pas étalé sur le théâtre ce dénouement peu tragique; mais, hélas! il ne nous en a pas épargné le récit. Et quel récit! Le roi Valamir, avec une indiscrétion excusable seulement chez un prince des Ostrogoths, déroule ce récit avec une ampleur tragique, qui ajoute à. l'effet co- mique non cherché par le poète.

A peine sortions-nous, pleins de trouble et d'horreur, Qu'Attila recommence à saigner de fureur, Mais avec abondance: et le sang qui bouillonne Forme un si gros torrent que lui-même il s'étonne. Tout surpris qu'il en est : « S'il ne veut s'arrêter, Dit-il, on me paiera ce qu'il m'en va coûter. » Il demeure à ces mots sans parole et sans force; Tous ses sens d'avec lui fout un soudain divorce : Sa gorge enfle, et du sau" dont le cours s'épaissit Le passage se ferme, ou du moins s'étrécit. De ce sang r^^nfermé la vapeur en furie Semble avoir étoutle sa colère et sa vie; Et déjà de son front la funeste pâleur N'opposait à la mort qu'un reste de chaleur, Lorsqu'une illusion lui présente son frère,

�� �