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60 ÉTUDE

pièce singulière, écrite par uu homme de génie d'après uu poète de beaucoup d"e?prit, et avec la collaboration de dWssoucy.

Dans son Argument et son Examen, Corneille fait assez bon mar- ché, en somme, et de d'Assoucy et dOvide. Il n'a employé, dit-il, la musique qu'à satisfaire les oreilles des spectateurs, et il s'est gardé de faire rien chanter qui fût nécessaire à l'intelligence de la pièce; mais « il n'en va pas de même des machines, qui ne sont pas dans cette tragédie comme des agréments détachés ; cUes en font en quelque sorte le nœud et le dénouement, et y sont si nécessaires que vous n'en sauriez retrancher aucune que vous ne fassiez tom- ber tout l'édifice ». Le grand triomphateur est donc, non pas d'As- soucy, puisque la musique est chose très secondaire dans Andro- mède, non pas même Corneille, puisqu'il sacrifie volontiers le mérite de ses vers à l'irrésistible séduction des machines, mais l'italien Torelli, architecte-machiniste, né et mort à Fano (1608- 1678), où il devait retourner treize ans après le succès partagé avec l'auteur du Cid.

Dans le Dessein de la tragédie d'Andromède, libretto d'une pièce longtemps attendue, et publié avant la pièce elle-même ', Corneille rend hommage à Torelli en ces termes enthousiastes : << Toute la gloire en est due au sieur Torelli, qui s'est surpassé lui-même en l'exécution des desseins que je lui ai proposés, et je me suis sou- vent étonné comme il s'est pu si heureusement démêler sans con- fusion d'un si grand embarras. » C'est Jacques Torelli qui avait créé les machines de la Finta Pozza et de YOrfeo. Aux yeux des contemporains, novices en cet art, il était « le grand sorcier » ; aux yeux des modernes, ses machines tant vantée? n'ont rien que de fort ordinaire ; l'invention des contrepoids qui permettaient de brusques changements à vue était cependant alors regardée comme une merveille ; c'était tout au moins une nouveauté cu- rieuse. Lui-même, le rigide abbé d'Aubignac ne hasarde que deux ou trois réserves : « Toutes les décorations merveilleuses et les actions extraordinaires qui sont dans le troisième et le cinquième acte sont fort adroitement expliquées et avec une délicatesse digne du théâtre des Grecs ^ ; » mais que pour le palais du premier acte et le temple du quatrième on soit obligé de recourir à l'explication imprimée avant chaque acte, cela le gène. Ne serait-il pas facile et

1. Voyez le tome V de léflition Régnier.

2. Pratique du théâtre, I, 8 ; IV, 7.

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