Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

SUR DON SANCHE n'AUAGON 83

restatiou — qu'il ne prévoyait guère — se soit préoccupé des choses du théâtre, leur parailva-t-il vraisemblable que la reine s'eu soucie, soit à la veille de cette arrestatiou qu'elle avait prépa- rée de lougue maiu, soit au leudemaiu, alors que la cour songeait encore moins «aux fêtes et aux spectacles », alors qu'elle allait partir pour pacifier la Guyenne révoltée, alors que Tureune, La Rochefoucauld, Bouillon, M™^ de Longueville lui ménageaient le spectacle d'une bien autre «comédie héroïque »? Cela, dira-t-ou, n'est pas matériellement impussible ; mais il est moins impossible encore que Condé, arrêté le 18 janvier, ait donné auparavant son opinion, toute-puissante surtout à ce moment où il paraissait le vrai roi de France. Sa sécurité d'esprit était entière, car il était fort loin de supposer qu'on oserait porter la maiu sur lui. H faut ne connaître que médiocrement la Fi-ondepour ne pas voir que ce qui la distingue, c'est précisément le curieux mélange des dangers et des plaisirs. Entre deux conspirations, ou deux combats, on lit un roman, on applaudit une pièce de théâtre. A l'Hôtel de Ville, pendant la Fronde parlementaire toute récente, on avait admiré un pittoresque pêle-mêle d'écharpes, de cuirasses, de violons, et de longues "conversations romanesques confondues avec les propos guerriers.

On nous dit qu'Anne d'Autriche, qui avait admiré en Rodrigue un véritable héros espagnol, ne dut voir en don Sanche qu'un héros de roman. Mais qu'étaient donc les héros des pièces espagnoles, sinon des héros de roman parfaits, toujours mystérieux, toujour~ invincibles? Et puisque l'aventurier Carlos se trouvait être enfin le roi don Sanche, qui pouvait songer à voir en lui Crouiwell? Nous l'avons observé ailleurs *, si Don Sancfie eût été la glorifica- tion de Cromwell, nul doute que la cour ne fût intervenue dès le début pour interdire un si dangereux spectacle. Or elle n'intervint pas ; elle laissa se poursuivre quelque temps un succès qui eut d'abord grand éclat : c'est Corneille qui le certifie. Au contraire, Condé, qui n'était pas Espagnol, Gondé, plus héroïque encore que romanesque, Coudé, si fier de sa race, put trouver excessives les hai'diesses d'un aventurier qui le prend de si haut avec les grands. Il n'aimait point les parvenus, et Carlos n'est qu'un parvenu, jus- qu'au dénouement tardif, qui lui rend son vrai nom.

Ce n'est là encore sans doute qu'une hypothèse; mais, hypothèse

1. Voyez le tome I de notre Corneille, pagi 28, Étude d'ensemble.

�� �