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Le même dictionnaire de synonymes (3, 10, 30-31) distingue des pâdukâ et upânah une autre sorte de chaussures, l’anupadînâ, qui paraît bien être le soulier, couvrant le pied, « allongé sur le pied » (padayata). Et M. L. Finot nous signale un second dictionnaire, également de synonymes sanscrits, l’Abhidhânacintâmani, de Hematchandra (xiie siècle), qui, après avoir indiqué (aux vers 914, 915) quatre mots comme synonymes d’upânah et de pâdakâ, dit que l’anupadînâ est attachée le long du pied (« selon la forme du pied », âbaddhâ anupadam).

Ce mot anupadînâ doit avoir été, dès les anciens temps, d’usage courant (ainsi que l’objet qu’il désigne) : le grand grammairien hindou Panini, qui vivait au ive siècle avant notre ère[1], le prend (V, 2, 9) comme exemple de l’emploi du suffixe îna, ayant ici, d’après lui, le sens d’« attaché ». Ce qui, évidemment, exclut l’idée d’une babouche, ne tenant que du bout du pied.

L’anupadînâ est certainement à noter, au point de vue de la variété des chaussures dans l’Inde antique. Mais, comme pendant de la pantoufle de Cendrillon, la babouche indienne fait parfaitement l’affaire ; car il n’est nullement probable que la Cendrillon d’aucun pays ait pu, même dans la précipitation d’une fuite, perdre une anupadînâ, une chaussure bien « attachée », couvrant et emboîtant tout le pied.


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Dans un vieux conte bouddhique de même origine que la légende de Çântâ, les chaussures seront employées à dépister un ennemi[2]  :

Un jeune homme, poursuivi par ordre du roi de Bénarès pour être mis à mort, entre dans la maison d’un cordonnier ; il raconte à celui-ci son histoire et le prie de lui faire des souliers (Schuhe) dont la pointe soit en arrière et le talon en avant. Il met ces souliers et s’échappe de la ville par une citerne. Ceux qui le poursuivent, en suivant les traces laissées par les souliers, sont ramenés à la ville et s’aperçoivent alors de l’évasion du jeune homme[3].

  1. « Pânini est ordinairement assigné au quatrième siècle avant J.-C., et Patanjali [son commentateur] au second. » (A. Barth, Religions of India, Londres, 1891, p. 259).
  2. Ant. Schiefner, Indische Erzæhlungen, n° 16, op. cit., p. 164 et suiv.
  3. Pour l’indication d’une légende grecque moderne et d’un conte islandais, présentant un trait analogue, voir R. Kœhler, Kleinere Schriften, II, p. 561.