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Au bout d’un certain temps, quand Tilbhushki revient, selon la coutume, faire une visite à la maison paternelle, la première femme la prie de lui montrer ses beaux ornements, et, pendant qu’elle les lui enlève, sous prétexte de les bien examiner, elle saisit l’occasion et lui attache dans les cheveux une certaine racine (fastening a certain kind of root in her hair) : aussitôt Tilbhushki devient un oiseau, qui s’envole. Sa demi-sœur, Chalbhushki, est vite revêtue de ses habits princiers et de ses ornements, et mise dans le palanquin qui doit ramener au palais la femme du prince.

Quand la fausse princesse s’est établie au palais à la place de la vraie, l’oiseau vient chanter : « Tilbhushki est sur l’arbre ; Chalbhushki est sur les genoux du prince : il faut que le prince soit fou ! » Le prince essaie de prendre l’oiseau ; mais celui-ci saute de branche en branche en redisant sa chanson, et tout à coup s’envole. Le prince en perd la raison et ne cesse de tourner autour de l’arbre en répétant les paroles de l’oiseau. On le ramène dans sa chambre, et des médecins sont appelés de partout ; mais ils ne peuvent guérir la folie du prince.

Un jour, un oiseleur se présente au palais, offrant en vente un oiseau qui sait parler. Le roi achète l’oiseau bien cher, espérant donner au prince un peu de distraction dans sa tristesse. L’oiseau, mis dans la chambre du prince sur un perchoir, rompt la chaînette qui l’y attache, et va se poser sur les genoux du prince. Celui-ci, en le caressant, découvre la racine ; il la retire, et aussitôt Tilbhushki reprend sa première forme, en même temps que le prince recouvre la raison et la santé.

Dans le district d’Etah (province d’Agra, Inde du Nord) a été recueilli un troisième conte indien de ce type, assez altéré[1] :

La princesse Phulande, persécutée par sa marâtre, a l’occasion de sauver la vie (en le cachant), à un serpent que poursuit son ennemi, Garuda[2]. En récompense, le serpent lui donne son joyau (la pierre précieuse de sa crête), qui fournira à la jeune fille tout ce qu’elle pourra désirer.

La princesse ayant, par la suite, épousé un râdjà, la marâtre obtient d’un yogî (ascète mendiant, adorateur de Siva) qu’il transforme la jeune reine en oiseau, et Phulande, ainsi métamorphosée, s’envole vers le village (sic) où habite son mari, et va se percher dans la cour d’un certain homme, à qui elle demande : « Le roi est-il endormi ou éveillé ? — Il est endormi. » Alors l’oiseau pleure, et « les larmes qui tombent de ses yeux sont changées en perles ». Une autre fois, la réponse est : « Il est éveillé. » Alors l’oiseau rit, « et des fleurs tombent de son bec, si bien que le sol en est jonché. »

Le ràdjâ, informé, se met aux aguets, et, à minuit, il entend ce que

  1. North Indian Notes and Queries, octobre 1893, n° 257.
  2. Chez les Hindous, les serpents (Lisez : nàgas), sont des êtres quasi-divins, intelligents et puissants ; ces fils de Kadru (la personnification des ténèbres) ont pour ennemi Garuda, l’oiseau solaire. Voir A. Barth, The religions of India, 3e éd. (Londres, 1891), pp. 265-266.