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LE SÉRUM QUI TUE

ANDRÉE :  — (Hésitante). Es… es-tu… certaine de son amour ?

CÉCILE : (Avec enthousiasme). Oh ! oui. Certaine ! Et il me l’a prouvé aujourd’hui même.

ANDRÉE : — Vrai ? Et comment, si ce n’est pas indiscret ?

CÉCILE : — Voici. (Inquiète). Mais il ne faut pas que tu en parles à personne !

ANDRÉE : — Non ! Non !

CÉCILE : — Jacques, tu sais, fait des recherches scientifiques. Il a trouvé un sérum, qui, dit-il, redouble les forces des blessés et des personnes trop faibles pour subir une opération. Il ajoute que son sérum est inoffensif et m’a demandé si je voulais bien être sa collaboratrice. Voici comment. Il m’injectera, aujourd’hui même, le sérum et d’après ce que je ressentirai de la piqûre, il verra s’il a réussi ou non. (Enthousiaste). N’est-ce pas merveilleux ?

ANDRÉE : (Peu enthousiaste). Ou… u… i. Mais… n’as-tu pas peur de te faire ainsi injecter une substance que tu ne connais pas et qui pourrait être dangereuse ?

CÉCILE : (Surprise). Mais, puisque Jacques m’a dit qu’il n’y avait pas de danger ! (Amoureuse, et joignant les mains). Et puis, quand bien même il y aurait du danger, je serais heureuse de souffrir pour Jacques !

ANDRÉE : — Pauvre toi !

CÉCILE : — Tu dis ?

ANDRÉE : — Oh ! rien. Je te plains seulement de te donner à une telle expérience. C’est un pressentiment que j’ai que quelque chose de triste va en survenir. Tu sais, les pressentiments… on ne contrôle pas ça. Et puis, Cécile, quelque chose me dis que tu ne devrais pas te confier à cette expérience.

CÉCILE : — Mais, Andrée, tu es folle ! Que pourrait-il en survenir puisque le sérum est inoffensif ?

ANDRÉE : — Je sais ce que je dis, Cécile.

CÉCILE : (Qui devient nerveuse). Mais, explique toi, ma petite Andrée !

ANDRÉE : (Triste). Non… je ne puis pas… ça te ferait de la peine d’ailleurs. Et puis, il faut que je courre rencontrer mon fiancé, j’ai rendez-vous avec lui.

CÉCILE : (D’un ton triste). Tu m’as fait de la peine, Andrée.

ANDRÉE : (Compatissante). Oh !… j’en suis malheureuse et je te souhaite que tout réussisse et se passe bien… (elle se dirige vers la porte pour sortir. Arrivée à la porte, elle s’arrête brusquement, se retourne et regarde Cécile avec un visage sérieux) … et… (rapide) que mes soupçons ne soient pas réalisés ! (Elle sort vivement).


Scène VIII

CÉCILE, seule.

CÉCILE : (Elle va vers la porte, les bras tendus en avant, s’arrêtant). Andrée ! (Nerveuse). Ah ! que veut-elle dire ? Me laisser ainsi sur de telles paroles. Elle m’a fait peur et a jeté le doute… dans mon âme. Andrée ! ma petite amie, pourquoi me faire ainsi souffrir ? (Elle va s’asseoir sur le divan et songe. Pendant ce temps le Dr  DesNoyers revient.)


Scène IX

CÉCILE, JACQUES.

JACQUES : (Il dépose son chapeau et ses gants.) Bonjour Cécile !

CÉCILE : (D’un ton toujours triste). Bonjour.

JACQUES : (Il la regarde avec surprise). Mais qu’as-tu ? Tu as l’air toute triste !

CÉCILE : — Oh ! ce n’est rien… je songeais… à des choses… (se reprenant). Non ! ce n’est rien ! Tu reviens bien tôt ?

JACQUES : — Oui ! j’avais hâte de revenir pour notre expérience afin de voir si j’ai réussi, (avec un mouvement d’orgueil) si mon rêve est atteint ! Es-tu prête, ma mignonne, pour notre grande expérience ?

CÉCILE : — Oui, Jacques. Je suis prête… à tout !

JACQUES : (Se frottant les mains). Bien ! je courre à mon laboratoire, à côté, chercher ma seringue. (Il sort).


Scène X

CÉCILE, seule.

CÉCILE : (Elle songe, l’air triste et lointain). Que va-t-il advenir de tout cela, mon Dieu ? (Le docteur revient de suite, tenant dans sa main une petite seringue hypodermique et un petit flacon contenant une substance verte.)