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les voies de l’amour

tant les sentiments les plus délicats du cœur. La première ombre de la fausseté et de la trahison aurait dû m’ouvrir les yeux ; mais la naïveté d’une âme noble, qui ne voit jamais le mal sous les apparences du beau et du bon, me voila complètement le peu de lumière qu’un plus clairvoyant en amour eût tôt entrevue. Un soir nous étions, tous trois, assis dans les grandes berceuses de la véranda, regardant les vagues déferler jusqu’au pied du mur de revêtement de la terrasse. Au loin, de gros paquebots, crachant d’immenses nuées de fumée, se balançaient au gré de la mer en furie. Ils fendaient les flots courroucés, apparaissant ou disparaissant tour à tour. Le ciel de ce côté était encore clair comme si un immense miroir y eût renvoyé par-dessus les nuages les derniers rayons de la lune que la tempête, s’amoncelant vers l’ouest, nous cachait. De longs éclairs zigzaguaient la noirceur au-dessus de la terre. Nous rappelions les souvenirs de notre enfance, du collège ou du couvent ; nous nous réjouissions déjà des études que mon ami et moi devions entreprendre à l’automne.

« Nous veillâmes très tard, bien à l’abri sur la véranda, malgré la tempête qui sévissait avec rage. Le vent impétueux courbait les arbres, fouettait la pluie qui tombait à torrent, soulevait des vagues énormes qui s’abattaient en paquets sur la terrasse de l’hôtel. Les éclairs déchiraient à tout instant les gros nuages qui