Page:Cottin - Œuvres complètes, Ménard, 1824, tome 12.djvu/98

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interrompit froidement Springer ; je ne veux point de leur pitié, et je n’espère rien de leur justice : heureux dans mon malheur de ce qu’ils m’ont placé aussi loin d’eux, je passerai mes jours dans ces déserts, sans me plaindre.

— Ah ! Monsieur, reprit le gouverneur avec émotion, pour un homme comme vous, vivre loin de sa patrie est un affreux destin !

— Il en est un plus affreux encore, monsieur le gouverneur, repartit Springer, c’est de mourir loin d’elle. »

Il n’acheva point ; s’il eût ajouté un mot, peut-être eût-il versé une larme, et l’illustre infortuné ne voulait pas se montrer moins grand que son malheur.

Élisabeth, cachée derrière sa mère, regardait timidement par-dessus son épaule si l’air et la physionomie du gouverneur annonçaient assez de bonté pour qu’elle osât s’ouvrir à lui. Ainsi la craintive colombe, avant de sortir de son nid, élève sa tête entre les feuilles, et regarde longtemps si la pureté du ciel lui promet un jour serein.