Page:Couët - Le bois, voilà l'ennemi!, 1909.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
16

dans la population agricole de nos vieilles paroisses une culture intellectuelle assez générale, et suffisante pour réaliser la seconde partie.

C’est une terre admirablement préparée, elle s’offre d’elle-même et attend la semence qu’une main énergique et habile voudra bien lui confier.

La tâche ne parait pas indigne d’un ministre de l’Agriculture qui aurait la taille d’un homme d’état. La Providence en donne parfois qui ont la taille voulue. Quel bienfait pour notre peuple ! Ce serait reprendre, je ne dis pas les traditions, il n’y en a pas, mais l’œuvre commencée jadis par l’Intendant Talon, l’un de nos rares hommes d’état qui aient jamais fait quelque chose de positif pour le Canada français. Il ne dédaignait pas, lui, de s’occuper d’agriculture, et avec quel esprit pratique et quel sens économique !

Il voyait à tout. Pendant qu’il donnait la terre à l’un, à l’autre il indiquait les cultures les plus appropriées au pays ; il favorisait l’établissement d’industries locales et préparait déjà les voies au commerce d’exportation. Aucun des besoins de la jeune colonie n’échappait à sa vigilante attention. On voyait qu’il était l’héritier de Champlain, et qu’il travaillait, lui aussi, à la fondation d’un grand empire.

Hélas ! il n’eut pas de successeurs.

Il serait plus temps que jamais de reprendre son œuvre. Les conditions nous paraissent favorables. Il semble aussi qu’il y ait comme un désir latent, et presque impatient, de voir enfin se poser les bases économiques de notre destinée. Puissent-ils venir bientôt ceux-là que la Providence destine à cette œuvre !

Les nôtres cesseront alors de battre tous les sentiers d’Amérique et de voyager sur tous ses fleuves pour se fixer enfin, se masser autour du noyau qui enserre le Saint-Laurent, le rendre plus compacte et plus fort pour opposer plus de résistance à l’envahissement anglo-saxon.

Et ce sera possible le jour où le cultivateur comprendra qu’il dépend de lui, que deux ou trois familles canadiennes-françaises vivent là où une seule a végété jusqu’aujourd’hui.

Fr. Th. Couët, O. P.
Québec, 15 février, 1909.