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être molestés par qui que ce soit. Cependant ils ont vendu leur lot, les uns pour venir en ville, les autres pour aller aux États-Unis. À eux non plus, la terre ne manquait pas.


II

Marchand de bois et chemins de fer

Mais le grand coupable c’est le marchand de bois. C’est lui, la bête noire, et l’on n’a pas assez de malédiction pour l’accabler. Loin de nous la pensée de le défendre, ni d’atténuer en quoi que ce soit le mal qu’il a pu nous faire. Il a été longtemps, comme il est encore, du reste, un obstacle à notre extension dans certaines parties de la Province. En outre, il s’est enrichi de nos dépouilles. Il s’est taillé un domaine superbe dans nos forêts immenses qu’il a exploitées à son profit, et quand il a cru voir un ennemi de sa fortune personnelle dans le colon qui demandait de la terre, il s’est défendu contre lui, parfois jusqu’à l’injustice.

Tout cela s’est fait de connivence avec le pouvoir qui l’a favorisé par son incurie, son ignorance, peut-être sa complicité plus ou moins directe, grâce à un système de lois des plus incohérentes et des instructions contradictoires données aux agents des terres. Alors, c’est un pillard, un voleur ? Peut-être ! Nous ne sommes pas prêt à nous inscrire en faux contre cette assertion. Donc, que l’on crie : « Au voleur, au pillard ! » et l’on fera très bien.

Mais il ne suffit pas de crier au malfaiteur, et surtout pareille accusation serait mal venue sur les lèvres d’un entrepreneur malchanceux. Et… c’est peut-être notre cas.

Le marchand de bois a joué un rôle important dans notre vie économique durant le XIXme siècle ; il a été l’un des facteurs les plus considérables et des plus influents de notre destinée. Des circonstances souvent malheureuses pour nous, mais incontrôlables, l’ont singulièrement favorisé. Il faut en tenir compte, car pendant ce temps-là, il rendait service à notre nationalité. N’est-ce pas lui, dites, si vous l’aimez mieux, sa cupidité, qui a créé l’industrie forestière, de laquelle tant de nos familles canadiennes ont tiré leur subsistance depuis près de cent ans ?

On se rappelle la dépression qui sévissait dans notre pays au commencement du siècle dernier. La terre manquait