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de soixante-quinze ans. N’eût été l’industrie forestière, bien sûr un plus grand nombre des nôtres aurait cherché fortune aux États-Unis.

Mais, me direz-vous, c’est précisément ce régime que nous combattons, c’est lui qui a été la pierre d’achoppement de la colonisation. Mais, c’est en quoi vous vous trompez ! Lisez ce qui va suivre, et vous verrez alors pourquoi il ne pouvait en être autrement, et comment le marchand de bois n’a été qu’un obstacle temporaire.

Vers 1845, quelques colons s’aventurèrent dans l’immense forêt des « Bois Francs », qui s’étendait depuis les confins des vieilles paroisses jusqu’aux frontières du Maine. Ils s’arrêtèrent dans un endroit appelé Somerset, et là sur de jolis côteaux, ils abattirent les premiers arbres pour y bâtir leur cabane. On ne restait pas inactif dans la jeune colonie ; au contraire, on bûchait ferme, mais tout n’était pas rose. Pour arriver jusque là, il avait fallu franchir de longues distances dans la forêt épaisse, la hache à la main, ou traverser des savanes boueuses dans lesquelles on enfonçait profondément, car aucun chemin n’avait été tracé. Tout se transportait à dos d’homme : provisions et instruments de travail comme, un peu plus tard, les denrées que l’on voulait vendre. La petite colonie ne prospérait guère, malgré l’accroissement de la population, la construction d’un chemin rudimentaire, et la présence de quelques marchands. Non seulement elle ne prospérait pas, mais elle végétait, pour ne pas dire qu’elle dépérissait.

Or voilà qu’un jour — il fallut attendre quinze ans — on apprend que la forêt s’ouvre du nord au sud, des rails d’acier se posent sur le sol découvert et fraîchement remué, et bientôt la locomotive du Grand Tronc apparaît aux yeux de tous, apportant avec elle une activité prodigieusement féconde. Dix ans plus tard ; vingt-cinq paroisses s’échelonnaient le long du chemin de fer ; car le chemin de fer, comme le fleuve, c’est la grande route ouverte à tous, permettant au trafic de passer, apportant et emportant les denrées qui font vivre le commerce et assurent la subsistance du cultivateur.


Le marchand de bois était vaincu !


Le même fait se reproduira un peu plus tard. Les Cantons de l’Est se peuplèrent très vite, mais là encore la terre vint à manquer et l’émigration reçut un fort contingent de