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rable de ne pas s’entraîner à la cible. Le tireur moyen, lui, s’applaudira de ne s’être pas enfermé dans un exclusivisme injustifié. Ce qui importe, c’est qu’il ait l’habitude du tir, son arme bien en mains et le regard dressé, rapide et juste.

Psychologiquement, ce sont le revolver et le fusil qui se différencient entre eux, bien plus que la cible et le vol. Cette différence vient du fait d’épauler. Épauler, c’est faire corps avec l’arme, se transformer soi-même en affût, supprimer les solutions de continuité. Ce geste est sans doute un de ceux que nos ancêtres ont le plus fréquemment exécutés ; par là s’explique la jouissance que procure la sensation de l’arme pesante, bien appuyée à l’épaule et bien équilibrée sur la main gauche ; jouissance qui ne s’exerce pas seulement sur l’entraîné mais sur le tireur occasionnel, et cela dès le premier contact. Une espèce d’exaltation interne en résulte qui, bien contrôlée, ne nuit pas à l’adresse du tireur. Rien de pareil n’existe dans le tir au revolver qui, si l’on peut ainsi dire, est et doit rester, pour réussir, un acte à froid.

Le tir ne comporte aucune gymnastique préparatoire. Debout, à genou, couché, c’est plutôt une sorte d’aplomb que le corps doit réaliser ; et cet aplomb qui dépend des particularités de chacun ne s’établit que par la pratique. Pas plus que des explications techniques, des mouvements préliminaires n’y serviraient de rien. Un seul précepte, une seule recommandation : s’entraîner sous une bonne direction, avec une bonne discipline.



LA MARCHE

« Mon sport, à moi, c’est la marche. » J’ai encore dans l’oreille le son mi-pédant, mi-moqueur de ces paroles tant de fois entendues… tant de fois entendues et jamais simplement prononcées. C’est qu’elles constituaient dans la bouche des hommes qui les proféraient un bluff plus ou moins conscient. Car la marche dont ils parlaient n’était qu’une promenade et ne relevait à aucun degré du sport.

La marche en elle-même n’a jamais été un sport. On a tenté cette métamorphose. L’essai fut comique, ridicule. Les concours de marche sur piste qu’on annexa parfois au programme des réunions athlétiques en déshonoraient la beauté. À voir les jeunes hommes aux jambes robustes qui s’employaient à « tricoter » le plus vite possible au lieu de prendre le trot, il