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Le saut est un exercice qui demande de l’expérience, du jugement et de la décision. Le pire ennemi du sauteur, c’est l’hésitation ; sa maladresse a chance d’augmenter en proportion des insuccès subis. Dans bien des sports, l’insuccès est un aiguillon salutaire. Ici, son influence est néfaste. Aussi l’instructeur doit-il régler la progression de ses élèves avec une grande prudence, de façon à leur éviter des insuccès qui, en se répétant, les handicaperaient définitivement. Ceci provient de ce que le sauteur doit, d’un coup d’œil, apprécier au préalable la totalité de l’effort qu’il a à fournir. Au cours d’une course ou d’un assaut, le coureur et l’escrimeur peuvent réviser leur appréciation à cet égard et par conséquent modifier l’allure ou la tactique. Mais le sauteur ne jouit point d’un tel privilège. Si son appréciation a été erronée, il s’en apercevra en sautant et trop tard pour corriger l’erreur commise.

De là aussi ce fait que les diverses espèces de sauts veulent être étudiées et répétées séparément parce que l’une n’entraîne pas à l’autre. Or, nous l’avons dit, il y en a beaucoup.

Le saut en profondeur est généralement négligé et le saut vertical totalement oublié. Il en est de même du saut en longueur ou en profondeur — ou même vertical — exécuté avec la perche. Inutile de faire observer combien toutes ces manières de sauter sont éducatives pour le corps et combien elles sont utilitaires aussi par les applications qu’elles comportent. Le saut en profondeur s’exécute de haut en bas ; le saut vertical, de bas en haut. L’effort initial, la détente, l’arrivée sont très différents dans l’un et l’autre cas. Beaucoup d’obstacles veulent être pris en profondeur ; d’autres verticalement. Sans doute, on peut en général les aborder autrement, mais avec perte de temps et sans aisance. Et puis cela n’est pas toujours possible.

L’emploi de la perche, limité au saut en hauteur, constitue une erreur. C’est là un très beau sport, gracieux, élégant, un sport fait de coup d’œil, de sang-froid, de courage, un sport qui exige un dosage merveilleux de force et de souplesse. Mais, pratiquement, il est sans grande utilité. Il ne sera jamais bien opportun d’aborder un obstacle de cette façon-là. La perche, au contraire, est indispensable pour accroître, en cas de besoin, l’amplitude d’un saut en longueur si le fossé ou la petite rivière à franchir réclament cet adjuvant. En hauteur, on peut encore grimper, se hisser ; mais, en longueur, le saut risque d’être l’unique ressource. Selon qu’il s’agit de sauter en hauteur, en longueur ou en profondeur, la perche se manie et se pose et l’élan est pris de façon différente.

Tous ces sauts peuvent être combinés en une variété singu-