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tion anglaise un rôle moral, voire même social mais ils n’expliquaient pas de quelle façon cela se faisait. Le mécanisme intérieur restait obscur. Les Anglais ne m’aidèrent pas du tout à le découvrir ; on eût dit qu’eux-mêmes ne l’apercevaient pas. Ma pire désillusion vint de ce que Thomas Arnold non plus n’en a rien dit : j’espérais, à défaut d’un traité sur la matière que sans doute sa vie trop brève ne lui laissa pas le temps d’écrire, trouver dans ses lettres et dans ses sermons des indications précises : mais non. Le sujet, partout sous-entendu et dont on sentait la préoccupation hanter perpétuellement le cerveau du grand pédagogue, n’était nulle part ouvertement abordé. Ce fut encore ce livre émouvant et suggestif, Tom Brown’s School days, qui, emportéThomas Arnold
thomas arnold
désormais dans toutes mes pérégrinations à travers les public schools d’outre-Manche, m’aida le mieux à faire revivre, pour la bien comprendre, la figure puissante de Thomas Arnold et le glorieux contour de son œuvre incomparable.

Elle a consisté, cette œuvre, à réformer sans détruire. Lorsqu’il y a près de soixante-dix ans, les trustees de Rugby placèrent en Arnold leur confiance et, sans deviner l’immense portée de leur vote, firent de lui le headmaster du collège, on ne saurait imaginer l’état d’abaissement dans lequel étaient tombés les public schools. Parmi les élèves, la loi du plus fort régnait sans conteste, appuyée sur une hiérarchie que l’usage consacrait et que les maîtres acceptaient. Ceux-ci, d’ailleurs, pratiquaient en toute circonstance la non intervention. À la faveur de ce régime, les pires abus avaient pris racine : une brutalité révoltante chez les grands, de la haine comprimée