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qu’ils la connaissent bien. L’ivresse de la vague, du galop, du combat, du trapèze n’est rien moins qu’une ivresse de convention. Elle est à la fois réelle et définie et a sur « l’autre » cette supériorité qu’elle n’est jamais artificiellement provoquée par l’imagination, rarement déçue par la satiété. Elle pacifie les sens non seulement par la fatigue mais par la satisfaction. Elle ne se borne pas à les neutraliser, elle les contente. »

« Il est une autre passion de l’homme fait qu’il faut aussi, bien que dans une moindre mesure, apaiser par quelque satisfaction : la colère. Le mot, sans calembour, est trop coloré. En français, il évoque aussitôt la ruée d’une violence déchaînée et il exclue, à tort, ces colères froides ou diluées, beaucoup plus pernicieuses pour qui les ressent et s’y abandonne. Les moralistes répondent qu’il suffit d’apprendre à se résister à soi-même : très joli, mais trop simpliste. Cette simplicité découle de l’éternelle confusion entre le caractère et la vertu. Les qualités du caractère ne relèvent pas de la morale : elles ne sont pas du domaine de la conscience. Ces qualités, ce sont : le courage, la volonté, la persévérance, le sang-froid, l’endurance… elles sont aux trois-quarts physiques. Dites-moi, je vous prie, si l’homme qui brise une chaise ou casse un verre pour apaiser sa colère ne ferait pas mieux de saisir un engin de sport quelconque et de s’en servir, fut-ce brutalement ? Vous croyez à l’utopie ? C’est du sens pratique au contraire et l’expérience l’a prouvé. J’ai déjà raconté comment jadis, chargé de diriger la police new-yorkaise et inquiet des rixes ensanglantées qui se renouvelaient sans cesse dans ce qu’on appelait « le bas de la ville » (down town). Théodore Roosevelt avait ouvert en ces quartiers mal famés un certain nombre de salles de boxe gratuites et comment immédiatement, le nombre des combats de la rue avait diminué dans une proportion stupéfiante. »

M. de Coubertin a ensuite évoqué le Congrès de psychologie sportive de 1913 ouvert dans cette même aula universitaire et auquel participèrent tant de personnalités de premier plan, telles que l’historien Ferrero qui prononça le discours inaugural, et le président Roosevelt lui-même qui envoya la plus suggestive auto-biographie « sur le rôle qu’avait joué le sport dans sa vie et sur la façon dont il s’était servi de la boxe qui lui faisait peur, pour se muer d’adolescent délicat, inquiet et timoré en un homme audacieux et robuste ». Après avoir rappelé le détail du programme proposé à l’activité des congressistes, l’orateur a reconnu que les autorités lausannoises étaient justifiées à faire valoir les titres de priorité que leur conféraient les journées de 1913 sur le domaine de la Pédagogie sportive, titres confirmés par l’action de l’Institut olympique durant les années de guerre où il fonctionna au profit des internés français et belges. Il a exposé ensuite comment le B. I. P. S. était né de la pression de l’opinion qui, s’exagérant du reste les abus présents, réclamait une intervention et un redressement.