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DU HAUT DES PLÉIADES


Les Pléiades ?… un sommet quelconque dominant Vevey. Rien n’évoque au pied de ces hauteurs discrètes le spectacle réservé à qui les gravit. Non moins discret que la montagne, un petit chemin de fer s’y faufile par derrière de façon à ne point gâter le paysage et à le laisser se dérouler en brusque surprise sous les yeux du touriste. Et quel paysage ! ou mieux quels paysages ! Car ils sont plusieurs ; ils sont trois formant comme un merveilleux triptyque entre les panneaux duquel n’existerait aucune solution de continuité. À gauche, les Alpes avec la Dent du Midi, dont une tunique de neige azurée drape le corps rocheux ; au centre, le lac fuyant en un raccourci audacieux vers l’horizon qui se dégage ; à droite, une région ondulée où toutes les nuances du vert se marient harmonieusement ; et là-bas, dans le fond, courant de Genève à Neuchâtel, arrêtant le regard et la pensée, la grande ligne pure du Jura qui semble le symbole d’une destinée raisonnable et réfléchie.

Quelle ravissante complexité de lignes et de couleurs ! Quelle eurythmie entre le panorama et le passé qu’il évoque ! Travaux de la plaine et de la montagne, des eaux et des bois — vergers, pâturages, vignobles, terres arables — maisons isolées et villages compacts — pignons modernes et vieux murs respectés — pieuses églises et écoles progressistes,… ici demeure un peuple très ancien et pourtant très jeune dont l’homogénéité tient du prodige, car entouré de rivaux, longtemps asservi, visité par tant d’étrangers, possédant des biens convoités, il n’a eu pour instruments de résistance que sa santé physique et morale, sa raison si lucide et ses honnêtes intentions. Et il a résisté au point que, là-haut dans la montagne, se tiennent des frontières fictives que le germanisme n’a