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voir, que Malherbe demandait les vers bien frappés et les pensées profondes. Il a encore bien des images et des fictions qu’on trouve déjà dans l’Énéide ou les Églogues ou les Géorgiques : « la discorde aux crins de couleuvres[1] », les fleuves considérés comme des êtres cornus[2], les vents messagers des amants[3], la comparaison de l’Alphée[4], reprise encore par Voltaire ; les soleils pour les jours[5] tournure déjà familière à Ronsard, le souvenir de Mycènes[6] et d’autres. Mais tous ces éléments sont aussi bien ceux de toute la poésie antique et de la renaissance. Si l’on peut en dire autant des bergers et des images poétiques, il n’en est pas moins sûr que Malherbe connaissait les bergers et les images de Virgile, et l’on a vu ce que tout cela devenait chez lui. La poésie bucolique a pu mettre un peu de fraîcheur dans les grands vers où Malherbe était soutenu par l’importance du sujet politique, mais quand le poète cherche dans ses souvenirs ce qu’il doit dire, il ne manie pas très habilement la greffe virgilienne, et à cet égard il sent moins bien que Ronsard le « naturisme » et l’art descriptif de la poésie antique.

  1. Malh., I, 186 ; cf. Énéide, VI, 280.
  2. id., I, 93 et 110. Énéide, VIII, 77.
  3. id., I, 169.
  4. id., I, 114.
  5. id., I, 58.
  6. id., I, 33. Le souvenir de Mycènes, Malherbe l’aurait aussi bien trouvé dans Sénèque (Malh., II, 517).