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leurs disciples, et dont il a admiré l’expression chez les poètes latins.

En général, il n’est guère d’image ou d’idée, dans Malherbe, dont on ne puisse trouver un antécédent dans la littérature latine. Il ne faudrait pas, avec Ménage, rattacher à Columelle l’image des « fleurs comme étoiles semées » que l’auteur des Stances aux ombres de Damon a bien plutôt trouvée chez Desportes[1] et chez les poètes français. Mais on peut croire à l’influence des auteurs latins, de Virgile et d’Ovide, quand l’Ode pour le roi allant châtier les Rochelois parle de « creuser les fossés jusqu’à faire paroître le jour entre les morts » ; et il ne faut même pas rire de Vadius quand il cite Publius Syrus à propos de la fragilité de verre de la fortune humaine, que Bertaut et Malherbe, et après eux Godeau et Corneille[2], ont exprimée presque dans les mêmes termes. En effet, quand Montaigne avait à exprimer la même idée, il citait le mime antique : Fortuna vitrea est : tum cum splendet, frangitur. Déjà André Chénier, tout en admirant les vers de Malherbe, y reconnaissait « l’assurgere des Latins[3] » et « le ferreus imber de Virgile[4] » :

  1. Desportes, p. 449
  2. Corneille (Polyeucte) a répété Godeau sans le savoir. C’est à Malherbe, plutôt qu’à Bertaut, que Godeau a dû prendre cette image, contrairement à ce que croit M. Allais (Malherbe et la poésie française, p. 163, n. 1). Cette image est familière à Malherbe (I, 23, 66, 91, 102, 198, et surtout 273). Les « noms » que Malherbe emploie dans sa paraphrase sont ceux qu’il avait lui-même donnés à son roi (I, 26, 87, 102), et l’image du verre et de l’onde, de la même paraphrase, sont parmi les images favorites de Malherbe. De même, cf. Vauquelin de la Fresnaye, Art poétique, éd. Genty, p. VI.
  3. Poésies de Malherbe avec le commentaire de Chénier, p. 14.
  4. Ibid., p. 50.