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C’est l’Esprit du Tout-Puissant qui « l’a fait si bien écrire ». Et Malherbe s’adresse tout à coup à la reine, dont il fait emphatiquement l’éloge, et lui certifie que « devant cet ouvrage » elle n’en vit jamais qui fût digne d’elle. C’était vraiment forcer la note du badinage de Desportes ; et Malherbe accorde très facilement les honneurs de l’inspiration divine : de la Somme théologique du Père Garasse (le maître de rhétorique de Balzac) il dit encore :

Cette œuvre est une œuvre de Dieu :
Garasse n’a fait que l’écrire[1].


Mais il s’était souvenu de Desportes dans des vers plus célèbres. Quand il eut à consoler du Périer, il songea apparemment au poète qui était encore en vogue à cette époque, et à ses Élégies. Il y en avait une qui avait été faite pour consoler Henri III de la perte de deux de ses mignons : Henri III y était appelé Cléophon[2] (c’était le titre de l’Élégie) et le mignon préféré, Damon. Malherbe a repris ces noms : il appelle, un peu plus tard, Damon l’ami qu’il a perdu et qui est pleuré par l’amante Carinice[3] ; il donne le nom de Cléophon[4] à du Périer, et à la

  1. Malh., I, 266.
  2. Cléophon est encore le titre d’une tragédie de l’Hôtel de Bourgogne, imprimée à Paris en 1600, « tragédie conforme et semblable à celles que la France a vues durant les guerres civiles » (voy. E. Rigal, Le théâtre français avant la période classique, p. 141, n. 2).
  3. Aux ombres de Damon (Malh., I, 58). Ce nom d’ami regretté est encore repris par La Fontaine, Fables, livre VI, Épilogue. Il remonte évidemment à la tradition antique de Damon et Pythias.
  4. Malherbe connaissait bien les noms des héros de Desportes, car les titres des élégies « Eurylas » et « Cléophon » étant inter-