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tient compte, il s’y conforme même, sa suprême sagesse est de faire comme tout le monde ; c’est la philosophie de Montaigne, c’est aussi la théorie favorite de Malherbe (le Normand et le Gascon se ressemblent souvent). Il avait toujours à la bouche le vers que Prudence fait prononcer à Gallien : Cole daemonium quod colit civitas[1]. Du moins Sauvai le dit, et Racan, qui voudrait bien nous faire un Malherbe pieux, avoue « qu’il lui échappoit quelquefois de dire que la religion des honnêtes gens étoit celle de leur prince[2] ». À son lit de mort il ne se décida à recevoir le prêtre que quand on lui eut rappelé qu’il fallait vivre et mourir comme les autres ; et à ses derniers moments, d’après une anecdote fameuse, il songeait plus à la langue française qu’à l’éternité. Non pas qu’il fût un Bonaventure Des Periers ni même un Érasme ; il avait des croyances, et s’il lui arrive de plaisanter le carême[3], ou une prière qu’il vient de prononcer[4], il lui arrivait aussi d’aller en pèlerinage. C’en était assez pour n’être pas brûlé en place de Grève ; mais comment en est-il venu à paraphraser les psaumes ? Ce n’a sans doute

  1. Sauval, Antiquités de Paris, t. I, p. 324, cité par Lalanne, Notice biographique (éd. de Malherbe, I, XLII, n. 3).
  2. Vie de Malherbe (I, p. LXXXVIII). Malherbe dit souvent aussi, comme Coeffeteau : bonus animus, bonus Deus, bonus cultus, voulant dire « que bien vivre est bien servir Dieu » (Racan, Vie de Malherbe, et lettre de nov. 1656, éd. Tenant de Lacone, Paris 1857, t. I, p. 329 ; v. Urbain, Nicolas Coeffeteau, Paris, thèse, Thorin 1893, p. 201 et n. 2) ; il rabroue un huguenot qui veut l’intéresser aux controverses religieuses (Vie de Malherbe).
  3. Menagiana, III, 91.
  4. Arnould, Anecdotes inédites sur Malherbe ; Tallemant des Réaux, Historiettes, 3e  éd. (de Monmerqué et P. Paris), t. I, p. 283.